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Affaire Laraki, BCP-Paris : On passe au pénal

Le tribunal de 1re instance de Casablanca s’est déclaré incompétent, lors de l’audience du 2 janvier. Il a renvoyé l’affaire de la succursale de la BCP de Paris devant la Chambre criminelle de la Cour d’appel de Casablanca. Le procureur du roi avait déjà fait valoir au cours des audiences précédentes le «principe d’incompétence matérielle» (c’est-à-dire que l’infraction à juger dans ce cas est un délit pénal).

Le principal accusé, Abdelatif Laraki, en tant que PDG de la succursale de la BCP à Paris, est poursuivi, notamment pour détournement de fonds, faux et usage de faux et d’abus d’autorité et de confiance… Des infractions qualifiées pénalement comme délits. Les faits en question mettent en cause sa responsabilité pénale, comme en a décidé le tribunal.

Même cas de figure pour les coaccusés, à savoir Mustapha Rar, Aïcha Skali, Mohamed Benkirane, Hicham Aït Mena, Mohamed Benabdeljalil et Abderrahim Abassi. Ils sont poursuivis, entre autres, pour faux et usage de faux, en action pour les uns et complicité pour les autres.
C’est en 2000 que les poursuites judiciaires ont été déclenchées (après des faits révélés, quelques années auparavant, par des enquêtes de L’Economiste). A l’origine de ce procès, les difficultés de la succursale de Paris, que la maison-mère devait combler pour 50 millions de FF, après une mise en demeure sévère des autorités monétaires françaises. Une commission diligentée sur place par le ministère des Finances marocain a confirmé les soupçons: plusieurs irrégularités de gestion. Environs 50% des crédits avaient été accordés sans garantie aucune, souvent à des amis ou relations des actuels accusés, des cartes de crédit avaient été distribuées sans prudence, une propriété de 7, 2 millions de FF (une fortune, même pour Paris) acquise par Abdelatif Laraki. Selon le parquet, «l’intéressé s’est servi dans les comptes de la banque pour réaliser cette acquisition», ce que dément l’ex-PDG. Pour lui, c’était un crédit en bonne et due forme.

N’empêche que le procureur du Roi a maintenu sa position. Il l’a même accentuée en cherchant la requalification des délits: parvenir à faire assimiler les employés de la Banque populaire à des fonctionnaires. C’est ainsi que le procureur a développé l’idée que cette banque sert l’intérêt national, pour la rapprocher d’un service public. Par conséquent, le régime applicable serait celui de «détournements et concussion commis par des fonctionnaires publics» (section III du code pénal). A préciser tout de même que l’ex-PDG a un statut de dirigeant social d’une banque (art 357, de la section IV). La question qui se pose maintenant est de savoir quel statut retiendra la Chambre criminelle de la Cour d’appel, qui aura à juger Laraki et ses coaccusés.

Précédemment, les arguments de la défense avaient mis l’accent sur le fait que la Banque populaire n’a pas porté plainte: seule cette dernière a la qualité de déclencher les poursuites, affirme la défense. Quant aux transferts vers la succursale, la défense les met sur le compte d’un différend fiscal avec le Trésor public français. Explication à laquelle Laraki avait ajouté au moment de l’instruction que ces transferts ont «été effectués conformément au contrat qui le liait à une société d’assurances». Cette dernière était chargée de rapatrier les dépouilles des résidents marocains en Europe. En raison des difficultés financières qu’elle subissait, la succursale parisienne a procédé aux transferts des fonds sur le compte propre de son PDG!

Par la suite, ces fonds lui auraient servi à couvrir en partie l’indemnisation de certains banquiers licenciés! D’après ses affirmations, «l’opération s’est déroulée sous sa direction ainsi que celle du directeur général, Mustapha Rar». Des façons de procéder pour le moins surprenantes.
Cette affaire, avec tant de ramifications, laisse planer des zones d’ombre. Le procès qui reprendra son cours devant la Cour d’appel va certainement relancer les débats.


Que dit la loi?

L’article 358 de la section IV du code pénal dispose notamment que «… toute personne qui commet ou tente de commettre un faux en écritures de commerce ou de banque est punie de l’emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 250 à 20.000 DH. Le coupable peut, en outre, être frappé de l’interdiction de l’un ou plusieurs des droits mentionnés à l’article 40 et d’une interdiction de séjour qui ne peut excéder cinq ans».
Et l’article poursuit: «La peine peut être portée au double du maximum prévu au premier alinéa lorsque le coupable de l’infraction est un banquier, un administrateur de société et, en général, une personne ayant fait appel au public en vue de l’émission d’actions, obligations, bons, parts ou titres quelconques, soit d’une société, soit d’une entreprise commerciale ou industrielle».

Faiçal FAQUIHI
Source : L'Economiste

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