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Les services de sécurité ont violé les droits de l'homme au Maroc

L'Instance équité et réconciliation (IER) du Maroc a établi la "responsabilité sans équivoque" des services de sécurité dans la plupart des cas de violation des droits de l'homme dont elle été saisie, révèle un rapport de cette structure rendue publique lundi à Rabat.

Les conclusions du document découlent des données et informations recueillies auprès de différentes sources sur les graves violations des droits de l'homme perpétrées au Maroc entre 1956, date de l'indépendance du royaume, et 1999.

Tout en faisant endosser cette responsabilité aux services de sécurité, entre autres, l'IER a adopté des recommandations qui constituent un large chantier ouvert sur l'avenir en ce sens qu'elles visent à consolider le processus démocratique, à éviter la répétition des bavures et à favoriser la concrétisation de l'agenda social, économique et politique du royaume alaouite.

Bien que la mission de l'IER soit limitée dans le temps, son apport à ce processus de réformes amorcé par le gouvernement est incontournable et s'inscrit, en effet, dans le cadre de sa contribution à ce chantier ouvert aux générations futures.

Mise en place par le roi Mohammed VI en janvier 2004, l'IER a pu donc établir que dans de nombreux cas, il y a eu une responsabilité collective, voire solidaire, entre différents services de sécurité marocains.

L'examen des dossiers soumis à l'IER sur les événements de 1965, 1981, 1984 et 1990, ainsi que les investigations et recherches entreprises ont abouti à la conclusion qu'il y a eu "graves violations des droits de l'homme", qui se sont traduites essentiellement par des "atteintes au droit à la vie de nombreux citoyens, dont des enfants et personnes sans aucun rapport avec ces événements", souligne-t-elle.

L'Instance, dont la mission a pris fin dès la publication de son rapport final sur instructions du souverain alaouite, indique que ces violations sont la conséquence du non-respect des engagements quant aux normes et principes internationaux des droits de l'homme relatifs aux conditions et limites de l'usage de la force publique, ce qui a conduit à un recours disproportionné et excessif à la force ayant entraîné mort d'hommes.

Les résultats des investigations et analyses des données ont permis d'établir que les autorités ont fait usage d'armes à feu à balles réelles dans plusieurs cas, évitant de recourir à des moyens permettant de disperser les manifestations sans faire de victimes.

En retirant les corps des victimes de l'intérieur de domiciles privés, les services d'intervention ont privé les familles du droit de connaître la destination où les dépouilles des leurs ont été emportées. Les lieux d'ensevelissement étaient tenus secrets et les autorités ont même refusé d'inscrire les noms des morts dans les registres de décès des services compétents.

Les autorités marocaines se sont abstenues d'apporter aide ou assistance à des blessés, dont des enfants tués par des tirs, selon l'Instance, qui a enregistré des pratiques relevant de l'absence du respect dû aux morts en les entassant dans des camions, dans des conditions ne tenant aucun compte de leur dignité d'êtres humains.

L'IER, qui a également localisé de nombreux lieux d'enterrement de victimes de troubles sociaux, précise que bien que le rituel religieux ait été respecté dans les cimetières réglementaires, les ensevelissements ont eu lieu de nuit et, dans la plupart des cas, en l'absence des familles et sans aucun avertissement de celles-ci.

L'Instance équité et réconciliation s'est aussi assurée que les services de sécurité se sont abstenus d'aviser le parquet du nombre et des causes des décès. Il y a eu aussi absence d'intervention des services médicaux pour les besoins d'autopsie qu'impose la loi. Le parquet n'a non plus ouvert d'enquêtes sur ces événements bien que ces derniers aient fait l'objet de communiqués officiels reconnaissant mort d'hommes.

Le bilan des travaux de l'IER constitue un pas important sur la voie de la consécration du droit à la vérité, à travers les formes et procédés qu'elle a inventés et qui ont permis de rehausser le niveau de l'éclairage auxquelles sont soumises les graves violations des droits de l'homme durant cette période.

Dans ses recommandations, l'Instance souligne la nécessite de faire en sorte que ces graves atteintes aux droits de l'homme ne se reproduisent plus et que, pour consolider le processus de réformes en cours, il soit entrepris un certain nombre de réformes institutionnelles et d'emprunter une stratégie nationale contre l'impunité.

L'IER a, en outre, mis l'accent sur la nécessité du bannissement de la disparition forcée, de la détention arbitraire, du génocide et autres crimes contre l'humanité, de la torture et d'autres formes de traitements ou peines cruels, inhumains ou avilissants.

Elle préconise aussi l'interdiction de toutes les formes de discrimination internationalement prohibées et toute incitation à la haine raciale et à la violence, tout en prônant l'élaboration d'une stratégie nationale intégrée et à multiples facettes dans ce domaine.

L'Instance estime que la lutte contre l'impunité requiert, outre la réforme de la justice, la mise en place et l'application d'une politique publique dans les domaines de la justice, de la sécurité et du maintien de l'ordre, de l'éducation et de la formation avec la participation active de l'ensemble des composantes de la société marocaine.

Source : PANAPRESS

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