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Instance équité et réconciliation : La page est tournée ( ?)

L’Instance Equité et Réconciliation délivre sa conscience. Voilà deux années que ses membres travaillent d’arrache-pied pour permettre au Maroc de refermer les plaies du passé. Après l’écoute et l’investigation viennent les recommandations et les excuses. La mission de l’IER touche à sa fin, mais est-elle pour autant accomplie ?

La remise du rapport au Roi, les quelques chiffres communiqués concernant les dossiers traités, la décision royale de publier le rapport…telles ont été les grandes lignes annoncées par la presse nationale. L’évaluation de l’étude de l’Instance ne s’est faite que prudemment. Il est vrai que le rapport n’a pas encore été publié pour en juger, mais le résumé reflète tout de même les principales recommandations. Les organisations des droits de l’Homme, elles, ne se sont pas gênées pour émettre d’ores et déjà leurs critiques. Ainsi Mohamed Sebbar, président du Forum Justice et Vérité (FJV), a déclaré dans une interview à Aujourd’hui le Maroc que l’IER a omis de citer les noms des bourreaux. Hors, « il faudrait que les tortionnaires soient relevés de leurs fonctions et qu’ils soient congédiés. Il faudrait également priver ces bourreaux de leurs droits constitutionnels comme celui de se porter candidats aux élections et de voter.». Bref, il faut « les montrer du doigt, c’est la moindre chose ».

C’est justement ce point-ci qui a suscité le plus de polémique. L’IER ne se serait pas tout à fait acquittée de sa mission en gardant secret le nom des tortionnaires. Mais d’un autre côté, «une démarche, axée sur l’incrimination aurait fait passer au second plan cette priorité et noyé l’évocation des violations dans une confrontation sans fin et difficile à maîtriser » affirme la Gazette du Maroc. L’Economiste semble tout à fait d’accord. Cela aurait même été « un anachronisme et une faute politique…le piège capable de faire capoter tout le processus démocratique ». Le quotidien ajoute qu’il est aisé de pratiquer la surenchère et d’exiger toujours plus. Dans les faits, le plus difficile dans une révolution, ce n’est pas de la déclencher, c’est de savoir l’empêcher de manger ses enfants».

L’Humanité, journal communiste français, relève quant à lui que ce rapport a «évité de désigner le régime de Hassan II comme responsable de ces exactions. Le nom du souverain n’est jamais mentionné». Par contre, Driss Basri est bien placé pour apparaître comme le principal responsable de la répression des années soixante-dix et quatre-vingt. C’est le parfait bouc émissaire pour «enterrer le dossier des violations des droits de l’Homme», rétorque Ali Amar, vice président de l’Association Marocaine des Droits de l’Homme (AMDH). En effet, l’ancien Ministre de l’Intérieur a vite été désigné par certains journaux, notamment Al Ahdath Al Maghribia, comme seul responsable des horreurs commises durant les années de plomb.
Autre point noir du rapport : les dossiers en suspend. Libération affirme que « les affaires des martyrs Mehdi Ben Barka et Omar Benjelloun n'ont pas été élucidés dans le rapport de l'IER. Comment pourrait-on les clore sans que les projecteurs y soient braqués et de manière officielle ?». Libération France cette fois-ci semble se poser la même question : «Ce pourrait être l’histoire du verre à moitié vide ou à moitié plein…Comment clore le dossier de ces années de plomb ?».

Quoi qu’il en soit, aussi bien la presse nationale qu’étrangère achèvent leurs analyses sur une bonne note : le travail de l’Instance Equité et Réconciliation reste tout de même un grand pas dans le processus démocratique entamé par le pays. Ainsi, «c’est une première dans le monde arabe où jamais un régime n'avait initié la création d'une commission chargée d'examiner les exactions commises par l'Etat et donner publiquement la parole aux victimes» note le Monde.
S’excuser et émettre des recommandations est certes tout à l’honneur du Maroc, mais le plus important reste de veiller à l’application de ces recommandations. Driss Benzekri, président de l’IER reconnaît que celui-ci «n’a pas les moyens de mettre en œuvre ses recommandations». Mais «le cercle de la transition démocratique interminable doit être brisé».

Salma Daki
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