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Exposition de Farid Belkahia à l'IMA : La dérive des continents

Jusqu'au 17 Juillet 2005 à l'IMA à Paris
Tous les jours sauf le lundi, de 10 h à 18 h.
Salles d’expositions temporaires
Entrée libre

Tout commence lorsqu’une architecte milanaise rend visite à Farid Belkahia dans son atelier de Marrakech et lui commande une table. Les peaux de mouton que l’artiste tient à sa disposition ne sont pas assez grandes pour couvrir le diamètre du plateau désiré ; il se procure donc une peau de vache. Après avoir tendu celle-ci sur un support circulaire, Farid Belkahia observe que les traces laissées par le pelage noir et blanc, dessinent la forme des continents et que l’Amérique mord l’Afrique de manière franche. Ainsi, l’artiste entame-t-il une série de douze mappemondes qu’il intitule La Dérive des continents. Véritable " géographie ambulante ", la vache devient alors le support d’une réflexion philosophique sur le devenir de l’homme. Comme si la mémoire macrocosmique était inscrite dans le code génétique de cet animal que nombre de mythologies érigent comme symbole de vie. C’est précisément ces matériaux naturels – peaux et pigments – qui ont fait reconnaître l’artiste depuis la fin des années 70. " Avec la peinture à l’huile, il n’y a pas d’aventure pour moi. 90% des peintres du monde entier l’utilisent. Le henné, la peau, ce sont mes souvenirs, ma grand-mère, le milieu dans lequel j’ai grandi, les odeurs que je connais. " Et aujourd’hui, Farid Belkahia reste persuadé que son discours ne peut se passer d’une conscience écologique ni de compassion à l’égard de la planète ; son œuvre est résolument engagée et trouve la source de son inspiration dans ces matériaux originels.


La dérive des continents symbolise la dérive de l’humanité
Farid Belkahia aime travailler à partir du cercle. Les repères sont brouillés et laissent la place au hasard " la contrainte des Dieux ". Les douze mappemondes qu’il a imaginées et qui roulent sur elles-mêmes, se jouent ainsi des points cardinaux et du repère conventionnel nord-sud qui permettaient aux premiers navigateurs européens de retrouver leur route. Le point de vue ethnocentriste et occidental est ainsi bouleversé, les continents que l’on aborde du regard sont " désorientés " et reprennent place dans le Tout qui dépasse le cercle terrestre. Le spectateur devient un astronaute imaginaire et regarde les mappemondes de Farid Belkahia comme par un hublot de navette spatiale. Les conflits dus aux frontières, comme les problèmes gravissimes de nos continents à la dérive, doivent être abordés avec un peu de hauteur d’esprit. Au temps des Conquistadores, l’art de la cartographie relevait de la description analytique et avait l’ambition de reproduire toujours plus fidèlement la réalité. Farid Belkahia transcende cette géographie analytique, et fait de ces peaux tendues, des tambours imaginaires sur lequel il trace les bruits du monde, les maux d’une humanité et l’espoir que l’homme puisse se réconcilier avec lui-même.

Les douze mappemondes que Farid Belkahia regroupe dans cette exposition constituent son œuvre la plus récente, mais l’artiste y montre également des pièces plus anciennes comme une représentation de Jérusalem et une main de grande dimension. Médiatrice entre le macrocosme et le cercle des terriens, cette main ouverte symbolise le travail de Farid Belkahia : la quête d’un monde où l’homme serait réconcilié avec l’origine.


Hommage à Sharîf al Idrîsî
L’enjeu de la mémoire est l’axe même de ma démarche. L’utilisation de matériaux tels que le cuivre ou la peau fait elle-même référence à des pratiques traditionnelles. Comme je le dis dans un de mes textes, la tradition est le futur de l’homme. Autrement dit l’assimilation de la modernité n’est pensable que si l’on structure sa mémoire, mais aussi celle de l’histoire à partir de repères fondateurs. L’hommage que j’ai rendu en 1983 au grand voyageur marocain Ibn Batouta était déjà les prémisses d’une problématique plus large, celle de la dérive des continents qui, dans la réalité, de géographique devient humaine, eu égard aux conflits sociopolitiques à travers la planète. L’hommage que je rends à Sharîf al Idrîsî dans l’exposition organisée par l’Institut du monde arabe, est significatif à plus d’un titre. D’abord, Sharîf al Idrîsî est le premier géographe au monde à avoir conçu et réalisé une mappemonde qui englobe les côtes marocaines et les confins de la Chine. Commandée par le roi Roger II, elle symbolise l’entente politique et intellectuelle entre la culture arabo-islamique, alors très puissante, et l’Occident. Par ailleurs, Sharîf al Idrîsi est Marocain et c’est aussi pour moi une manière de saluer un de mes lointains ancêtres, car penser la géographie comme il l’a fait relève de la science certes, mais aussi de l’art.

Exposition organisée avec le soutien du ministère de la Culture du Royaume du Maroc

Source : Communiqué de presse

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