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Terrorisme à Casablanca : Donneurs d’ordres, cellules, candidats au suicide…

Le suicide…kamikaze des frères Maha, samedi dernier, boulevard Moulay Youssef à Casablanca, sonne le tocsin. Ces deux jeunes, âgés respectivement de 20 et 32 ans, n’étaient pas fichés par les services de sécurité et ne fréquentaient pas des lieux de culte. Ces deux facteurs rendent les recherches et la traque territoriale beaucoup plus difficile pour l’appareil sécuritaire.

«Depuis le 11 mars 2007, l’explosion kamikaze de Abdelfattah Raydi au cybercafé de Sidi Moumen, nous tentons d’identifier la typologie des candidats potentiels au suicide, mais les variantes de chacun nous complique la tâche. D’autre part, il est acquis que nous avons perturbé le réseau et ces cellules mais nous ne savons pas à quel moment ni en quelle occasion», indique une source bien informée.

Lors de la conférence qui s’est tenue à la Wilaya de Casablanca, la semaine dernière, Chakib Benmoussa, ministre de l’Intérieur, affirmait que «ce réseau n’était pas connecté avec l’étranger et qu’il n’était pas inféodé à Al Quaida Maghreb». Un avis que ne partage pas le Professeur Darif. «Ce qui se passe au Maroc, c’est aussi la conséquence du net regain de violence en Algérie, en Irak ou en Afghanistan. Malheureusement, les autorités marocaines affirment qu’il n’existe pas de liens avec l’étranger, mais que des liens de nature idéologique», déplore-t-il.

Pour tenter de mieux nous imprégner de ce nouveau phénomène de violence extrême qui frappe le pays, n’est-il pas judicieux, de projeter une vue panoramique de la situation et de ses acteurs ? Si le contexte international et régional a toute son importance, une radioscopie locale s’impose. Tout d’abord, la composition des réseaux de kamikazes sur le terrain. Il semblerait qu’ils obéissent à une organisation, dite classique, à savoir un recrutement ciblé qui répond à des critères précis. Primo, il est procédé à la création de cellules composées d’une, deux ou trois personnes, chargées d’identifier des jeunes répondants à des paramètres, tels que la fréquentation de lieux de culte, l’adhésion à une association religieuse (obéissance, discipline) et l’expression d’un esprit critique quant aux orientations fixées par les associations religieuses (Al-Adl Wal Ihsane, MUR).

Ensuite, une présentation des candidats est organisée, suivie de la constitution des cellules et le lancement du programme d’endoctrinement avec comme fil conducteur, «ce n’est ni le PJD ni Al-Adl Wal Ihsane qui est en mesure d’instaurer un Etat Islamique au Maroc. Seul le Djihad peut le permettre». Ainsi, l’enracinement de la culture de la mort est opéré.

En outre, il faut savoir que se sont les chefs de réseaux qui coordonnent les cellules, des cellules qui sont cloisonnées. Dans les faits, les membres de ces groupuscules ne sont en contact qu’avec leur responsable, et jamais avec le chef du réseau. Ce qui expliquerait la difficulté pour les sécuritaires à tirer le fil. «Autant, on peut qualifier leurs actes suicidaires d’artisanaux, autant ils se montrent matures et expérimentés pour déjouer les filatures et les écoutes téléphoniques», précise une source proche du dossier. Et c’est toute la complexité qui se pose aux services sécuritaires ! Apprentis dans la conduite des opérations, comme le démontre la double explosion de Moulay Youssef, où le premier kamikaze avait une ceinture d’explosifs muni d’un détonateur, alors que celle de son frère était munies d’une simple mèche, ces kamikazes se montrent altruistes et doués dans l’art de mystifier la police. Selon des observateurs avertis, les chefs de réseaux maîtrisent leurs hommes. Les frappes sur le consulat général des Etats-Unis d’Amérique et sur le Centre linguistique américain, semblent être à la fois une réaction aux propos rassurant de Chakib Benmoussa et à l’envoi d’un message aux autorités sur la capacité du réseau à réagir ainsi que sur ses intentions.

D’autre part, il apparaît que Youssef Khoudri, le jeune interpellé lors de l’explosion du cybercafé de Sidi Moumen, ne fréquentait ni mosquée ni association religieuse. Dans le même ordre d’idée, les frères Maha, non plus. Ceci expliquant cela, on comprend mieux pourquoi les arrestations de Khoudri et du troisième kamikaze présumé, n’ont pas permis aux services de sécurité de collecter des informations décisives afin de remonter jusqu’aux commanditaires et déterminantes pour démanteler les véritables chefs d’orchestre du massacre humain.

Que faut-il en déduire ? Les scénarios sont nombreux. D’une part, certains avancent que c’est le fruit d’une stratégie pensée par les «cerveaux» des réseaux afin de masquer leurs intentions en s’appuyant sur l’apparence physique des kamikazes (stratégie d’Al Quaida depuis 2004). Pour d’autres, le réservoir de candidats susceptibles de se donner la mort à l’aide d’une ceinture d’explosifs, n’est pas suffisant, et les recruteurs se dirigent naturellement vers des jeunes en rupture avec la société. Si les deux lectures sont possibles, on attend les solutions qui permettront au pays de retrouver le chemin de la paix et de la quiétude.

Rachid Hallaouy
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