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Fès: Les cafés littéraires investissent la ville

Nés de l’envie de susciter des débats et des échanges autour de la littérature et de l’art, les cafés littéraires investissent peu à peu la ville de Fès. En l’absence d’espaces culturels, ces lieux publics, où l’on consomme des boissons en assistant ou en participant à des débats sur des œuvres ou avec des écrivains, attirent universitaires, hommes de lettres, intellectuels...

Au détour d’un vernissage, d’une dédicace, ou de la présentation d’une nouvelle pièce théâtrale, ils viennent souvent rencontrer auteurs, conférenciers et artistes.

A la Comédie, le plus célèbre café-théâtre et littéraire et le plus ancien de la ville, chaque jour ces passionnés de la culture et du théâtre viennent échanger, dans une ambiance conviviale, leurs impressions sur une pièce théâtrale, un livre, une exposition de peinture ou même un fait de société. Sur les murs de ce cadre chaleureux, on découvre quelques créations d’artistes de talent (photo, peinture, sculpture...). Pour Azelarab Kaghat, propriétaire de la Comédie et homme de théâtre et de cinéma, l’idée de créer un café-théâtre ne date pas d’aujourd’hui. «C’est un rêve qui remonte au début des années 80, mais les conditions n’étaient pas propices à l’époque pour une telle initiative alors je me suis contenté d’un simple café. «Etant moi-même comédien et passionné de théâtre et de cinéma, le café attirait souvent des comédiens et intellectuels. J’ai donc repris l’idée du café-théâtre en 2004. J’ai effectué les démarches administratives auprès des autorités de la ville et les réaménagements nécessaires, telle une petite scène avec éclairage et sonorisation, qui m’ont coûté quelque 600.000 DH», indique t-il. Et depuis, ce café propose pièces théâtrales, présentations de livres, expositions de tableaux et rencontres avec des écrivains et des styles de tous les horizons de la littérature, poètes et artistes de tout bord.

La Comédie propose aussi des spectacles montés en partenariat avec le Syndicat des professionnels du théâtre et des soirées de poésies et rencontres en partenariat avec l’Union des écrivains du Maroc et des soirées de malhoune. La projection de quelques courts-métrages est également prévue. «C’est une clientèle un peu spéciale. Elle est composée essentiellement d’artistes, d’intellectuels et d’étudiants qui viennent, à toute heure, prendre un café ou un thé et échanger leurs impressions et leurs passions sur l’art, le théâtre et la littérature. Ce n’est pas réellement un commerce, je n’arrive même pas à recouvrer mes investissements», ajoute-t-il.

Pour Mohamed Farah Al Aouam, comédien et animateur d’une émission sur le théâtre à la radio locale de Fès, «le café-théâtre pallie le manque de théâtre et d’espace d’art et de culture à Fès. On y vient souvent pour s’enquérir des nouveautés dans le monde de l’art, pour discuter mais aussi pour chercher des opportunités de travail puisqu’on y rencontre écrivains, scénaristes et réalisateurs. C’est un peu notre repère à Fès et un lieu incontournable pour les comédiens surtout qu’il est situé à proximité du complexe culturel Al Hourya». Pareil pour les autres cafés littéraires qui, malgré leur nombre très limité, arrivent au fil du temps à fidéliser une clientèle assoiffée de savoir, en proposant chaque année de nouvelles activités. Seul le manque de moyens les oblige parfois à suspendre certaines d’entre elles. Un manque qui risque d’ailleurs de handicaper à terme le développement et la pérennité de ces espaces qui demeurent le fait d’initiatives privées.

«Les cafés littéraires compensent le manque de bibliothèques, de théâtres, de cinémas et d’espaces de créativité dans une ville réputée être la capitale de la culture.

Il est important de les subventionner et les aider à se développer puisqu’ils représentent une bouffée d’oxygène pour bon nombre d’intellectuels», souligne Rachid Ben Omar, intellectuel habitué des cafés littéraires. Il ajoute que dans ces lieux d’expression et de débat en rapport avec la littérature, les passionnés de culture découvrent des auteurs et des livres et échangent leurs opinions et impressions en toute liberté puisqu’ils ne sont pas de simples spectateurs dans une conférence, mais ils sont impliqués dans le débat et souvent dans un langage terre à terre.

Les adeptes des cafés littéraires aspirent à la multiplication de ce concept et au développement d’une programmation diversifiée sur toute l’année à l’instar de ce qui se fait sous d’autres cieux. Ce qui ne manquera pas d’attirer le grand public et réveiller chez lui le goût de la lecture...

Projets en instance
Le concept des cafés littéraires est appelé à se développer à Fès. Outre les initiatives privées de quelques passionnés de l’art et de la culture, le complexe culturel Al Hourya projette d’abriter prochainement un café littéraire.

Le Programme de développement régional du tourisme (PDRT) prévoit aussi, pour l’animation culturelle et artistique à Fès, la reconversion de «fondouks» en cafés thématiques (café-théâtre, café-concert, café littéraire, etc.) ou en espaces d’exposition (musée des arts religieux et fondouk de l’artisanat). Ce qui ne manquera pas d’apporter un nouveau souffle à la vie culturelle de la ville et mettre la connaissance à la portée de tous.

Aussi, dans le cadre du programme national du «Temps du livre», initié par le secrétariat d’Etat chargé de le Jeunesse, il est prévu la création d’un réseau national de cafés littéraires dédiés à des activités culturelles et artistiques, notamment des rencontres régulières avec des intellectuels, des écrivains et des créateurs. Le département a appelé d’ailleurs les propriétaires des cafés à adhérer à ce concept tout en s’engageant à assurer l’animation et l’encadrement nécessaires. Mais il semble que cet appel n’a pas trouvé grand écho auprès d’eux.

Rachida Bami
Source : L'Economiste

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