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Comment sont exploitées les eaux minérales au Maroc

A Ben Smim, localité du Moyen-Atlas, se déroule depuis quelques mois une véritable bataille de l’eau. D’un côté, un investisseur français et son entreprise de droit marocain, La Compagnie marocaine des eaux, de l’autre, les habitants de cette localité du Moyen-Atlas dans la province d’Ifrane. Le premier, muni de son dossier technique et de son étude d’impact environnemental et socio-économique, a obtenu l’autorisation d’embouteiller les eaux de la source Ben Smim auprès des autorités locales et de l’Agence du bassin hydraulique du Sebou.

Il essaie depuis près d’une année de démarrer son affaire. Mais c’était compter sans l’intervention des habitants qui tentent de bloquer par tous les moyens l’exploitation industrielle de l’eau de leur localité. Ils viennent même de tenir tête aux forces de l’ordre et reçoivent un soutien international. Ils arguent que la cadence d’exploitation des eaux les priverait de ce produit vital. Quel volume sera prélevé ? 100 millions de litres pour la première année comme le stipule l’autorisation délivrée. Pas de quoi s’inquiéter, répondent les autorités qui, sous couvert d’anonymat, expliquent qu’ils n’ont concédé que l’exploitation de 3 litres par seconde alors que le débit de la source, même en année de sécheresse, avoisine les 20 litres par seconde, et le quadruple si la pluviométrie est bonne. Mais en vain. L’investisseur attend toujours et les habitants sont prêts à tout pour défendre leur eau.

Une année d’analyses !
Oulmès, Sidi Ali, Sidi Harazem, Aïn Saïss et Aïn Soltane... Ces eaux viennent directement des entrailles de la terre. Parmi celles-ci, trois seulement détiennent l’appellation tant convoitée d’eau minérale. Il s’agit de Sidi Harazem, la première eau exploitée au Maroc, dès 1965, Sidi Ali et Oulmès, toutes deux exploitées par la Société des eaux minérales d’Oulmès, propriété de la famille Bensaleh. Aïn Saïss, lancée par Danone en 2002, ainsi que Aïn Soltane, lancée sur le marché marocain en mars dernier par Ynna Holding, avec un investissement de près de 150 MDH, ne sont que des eaux de source. La différence réside dans la teneur en sels minéraux et oligo-éléments de ces eaux. Si les eaux souterraines marocaines sont connues pour leur minéralité, l’appellation «eau minérale» n’est pas accordée d’office, comme le précise le ministère de la santé. «C’est le Comité du thermalisme du ministère qui décide, après de nombreuses études, d’accorder ou non cette appellation à l’eau commercialisée. Ces études sont essentiellement d’ordre thérapeutique et visent à démontrer les bienfaits réels de cette eau», explique une source autorisée. Cette difficulté est à l’image du parcours du combattant que doit suivre l’investisseur pour obtenir les premières autorisations d’exploitation.

La loi fixe le montant des redevances et des primes d’exploitation
En effet, les autorisations doivent porter le sceau de plusieurs administrations. Intérieur, Santé, Agriculture, Eau et communes doivent valider et approuver les dossiers technique, environnemental et socio-économique. La première étape pour obtenir une autorisation d’exploitation concédée d’une source d’eau au Maroc consiste, pour le demandeur d’autorisation d’exploitation, à procéder, durant une année, à des analyses auprès d’un laboratoire agréé. «Durant cette période, les analyses peuvent en outre être effectuées par les services du ministère de la santé, la direction de l’épidémiologie notamment», explique Driss Machraâ, chef du service de l’hygiène alimentaire qui relève de cette direction et traite toutes les demandes. Dans le cas où cette année d’analyse détermine la potabilité des eaux, c’est une seconde bataille que l’investisseur doit livrer, cette fois-ci auprès de l’Agence du bassin hydraulique dont dépend la source. Un dossier technique détaillant l’investissement global, les installations industrielles ainsi que l’impact économique, est déposé. A ceci s’ajoute une étude d’impact environnemental, très importante, mais également d’impact socio-économique prenant en compte la structure de la localité ou commune rurale concernée.

Selon un cadre de l’Agence du bassin hydraulique du Sebou, «le projet d’autorisation ou de concession doit être porté à la connaissance du public, par voie de presse ou tout autre moyen de publicité approprié, quinze jours avant le commencement de l’enquête publique dont la durée ne peut excéder trente jours». En outre, l’agence du bassin est tenue de statuer sur la demande ou toute opposition d’un tiers, après avis de la commission d’enquête, dans un délai de quinze jours après la clôture de l’enquête.

Cette même administration fixe par la suite la durée de l’autorisation - qui ne peut dépasser vingt ans renouvelables -, les mesures à prendre par l’attributaire de l’autorisation pour éviter la dégradation des eaux qu’il utilise soit pour le prélèvement soit pour le déversement, le montant et les modalités de paiement de la redevance, les conditions d’exploitation, de prolongation ou de renouvellement éventuel de l’autorisation. L’investisseur paie ainsi deux centimes par litre exploité. En outre, il est obligé de payer des primes d’exploitation à l’Agence du bassin hydraulique ainsi qu’à la commune. En règle générale, cela représente 5 % du chiffre d’affaires de la société.

10% des eaux minérales consommées au Maroc sont importées
Toujours est-il qu’en raison de cette procédure compliquée et longue, peu de dossiers soumis aux ministères concernés ont obtenu des autorisations d’exploitation. En 2006-2007, pas moins de quatre dossiers ont été présentés. Le premier, qui concerne une source d’eau dans la province de Chefchaouen, a obtenu le précieux sésame. Elle sera exploitée sous le nom commercial de Chaouen par un investisseur local dont la société est baptisée Mineral Water. Deux dossiers sont en cours d’études. Des sources auprès du ministère de la santé précisent que les analyses effectuées sont très probantes. L’une d’elle, Aïn Aguemguem, dans la province de Khémisset, devrait être exploitée commercialement par les Eaux minérales d’Oulmès. La seconde, Lalla Maïmouna, près de Kénitra, devrait être concédée à un investisseur local. Le quatrième dossier présenté a tout bonnement été refusé. Il s’agit d’une source d’eau près de Khouribga qui a été recalée au niveau des analyses thermales, un taux élevé de nitrate ayant été décelé.

En plus de ces eaux de source et minérales marocaines, le marché national accueille une quarantaine d’eaux étrangères, importées pour l’essentiel de France. Pour celles-ci, la procédure est tout aussi compliquée puisqu’il faut à l’importateur un dossier thermal et sanitaire des plus étoffés. Après des mois d’analyses des échantillons présentés, c’est le ministère de la santé qui délivre l’autorisation finale.

Notons que tous ces investisseurs et importateurs sont encouragés par le potentiel énorme que présente le marché national. Avec une consommation de 5 litres d’eau plate embouteillée par habitant et par an, le Maroc est un marché prometteur, comparé à un marché émergent comme la Tunisie (11 litres/an/habitant) ou à un marché développé comme la France (120 litres/an/habitant).

Fadoua Ghannam
Source: La Vie Eco

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