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Finances publiques : Les dangers du surendettement intérieur

Malgré les efforts de la dernière décennie, le problème de l’endettement n’est pas résolu. La dette publique pèse toujours aussi lourd dans le budget général de l’Etat. A fin novembre, elle caracole à 36 milliards de DH, soit le double des dépenses dédiées à l’investissement (15 milliards de DH). La palme revient néanmoins aux charges de fonctionnement qui polarisent 100 milliards de DH.

En dépit du poids de son endettement, le Trésor réussit plus ou moins à stabiliser les charges liées aux intérêts autour de 15 milliards de DH, grâce à la baisse du coût de la dette extérieure (en repli de 4%).
Jusque-là, le coup d’arrêt donné à l’endettement extérieur a déclenché le mécanisme des vases communicants. Les ressources locales ont été fortement sollicitées. Ce qui n’est pas gênant, tant que la croissance économique reste faible et le marché financier peu sollicité. Les dernières données de la Trésorerie générale du Royaume (TGR), arrêtées à fin novembre 2005, le confirment: les intérêts de la dette intérieure constituent l’essentiel de la charge avec 13 milliards de DH contre 2 milliards pour les emprunts internationaux.
A ce stade, le processus ne risque-t-il pas d’atteindre ses limites?
Une chose est sûre: le recours massif à l’endettement intérieur depuis les années 80 commence à impacter les taux d’emprunts domestiques. Ces derniers ont gagné 1% à fin novembre 2005, mettant fin à une longue période de détente. Désormais, il faudra suivre de près le phénomène pour en mesurer l’impact sur le coût de financement du Trésor.
D’ailleurs, le rapport économique et financier 2006 anticipe un renchérissement du service de la dette. Celui-ci passera de 12 milliards à 19 milliards de DH. Pour comparaison, les dépenses d’investissement inscrites dans le budget général sont évaluées à 20 milliards de DH.

· Fin de la trêve sur les taux d’intérêt

Jusque-là, l’arbitrage en faveur de la dette intérieure a permis de limiter les remboursements en devises et de se prémunir contre le risque de change. Il a également permis à l’Etat de bénéficier de la baisse tendancielle des taux d’intérêt durant les 5 dernières années, grâce à la gestion active de la dette et au refinancement de la dette onéreuse.
Toutefois, cette option a aggravé l’effet d’éviction, favorisant le Trésor au détriment des entreprises et des investissements productifs. Tant que la machine industrielle tourne au ralenti et que les opérateurs hésitent à lancer de nouveaux projets d’extension ou de modernisation, le Trésor peut puiser dans l’épargne domestique pour financer ses besoins, sans risque de provoquer de fortes tensions sur le marché.
En revanche, si les industriels décident de réagir pour survivre dans un marché ouvert à la libre-concurrence, le marché de la dette intérieure peut connaître de grandes perturbations dans les prochains mois. Les taux d’intérêt risquent alors de partir à la hausse. Les conséquences peuvent être de plusieurs ordres. D’une part, le renchérissement du loyer de l’argent peut freiner la réalisation de projets d’investissement privés.
D’autre part, il alourdirait davantage le coût de l’endettement du Trésor. Le phénomène semble déjà en marche puisque, entre décembre 2004 et novembre 2005, l’encours de la dette intérieure a augmenté de 14% à 253 milliards de DH.
De plus, cette hausse est liée à la prépondérance des bons de Trésor émis par adjudication, dont l’encours à gonflé de plus de 15%.
Or, la loi de Finances 2006 ne prévoit pas de changement de cap. Au contraire, elle table sur une progression de plus de 12% de la dette publique. Ce qui porterait sa part à 27% des dépenses budgétaires et 75% du PIB! «Son poids dépasserait largement le budget consacré à l’Education nationale!», soulignait Mohamed Bousseta, professeur à la Faculté des sciences économiques de Rabat dans un article consacré aux contraintes financières de l’Etat (www.leconomiste.com).
Dans ce contexte, l’endettement extérieur continuera sa décrue (-10%), alors que la dette intérieure s’envolera de 20%. Les taux d’intérêt ne peuvent que confirmer leur tendance haussière, aggravant la dégradation du déficit budgétaire.
Une fois de plus, les contribuables devront supporter les charges de remboursement du principal et des intérêts de la dette. Les inégalités sociales déjà béantes ne feront que s’aggraver.

Mouna KABLY
Source : L'Economiste

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