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Témoignage de Morad Daoudi, marocain vivant à Perpignan

Suite aux évènements douloureux qu'a connu la communauté maghrébine de Perpignan avec l'assassinat de Mohamed Bey Bachir puis de Driss Ghaib, nous avons contacté Morad Daoudi qui vit à Perpignan, afin de recueillir son témoignage.
Ce jeune marocain nous livre ses impressions sur le climat qui règne aujourd'hui à Perpignan et sur l'effervescence politique qui entoure les frictions entre les communautés maghrébine et gitane.

- Yabiladi : Quelle était la relation entre les communautés gitane et maghrébine à Perpignan avant le drame ?
- Morad Daoudi :
La relation entre les deux communautés étaient sans reproche. Ils ont même crée ensemble une association "Casa musicale". Pour résumer, ils font de la musique arabo-andalouse ensemble et avant chaque été ils se produisent dans leur quartier en plein air devant leur public maghrébin et gitan, plus les Français ...
Ce festival s'appelle "Ida y Vuelta" et cette 8éme édition du 1er juin au 4 juin a été annulée.
Les circonstances actuelles apparaissent incompatibles avec la tenue de cet événement annuel en plein air et gratuit.
Exemple d’artistes passés par là : Sniper, Cheb Mami, Cheb Khaled, Saian Supa Crew, Kerry James ...

- Et aujourd'hui quelle est l’ambiance suite aux deux meurtres commis à Perpignan ? Quel climat règne entre les communautés maghrébine et gitane, ou même au sein même de la communauté maghrébine ?
- Le climat actuel entre les communautés maghrébines s'est soudé pour de bon. Avant on remarquait souvent aux abords des cafés, les algériens entre eux, les marocains faisant bande à part... enfin certaines personnes, pas toutes.
Aussi maintenant, personne ne se sent à l'abri d'un gitan qui pète un boulon , et qui se met à nous tirer comme des pigeons. On a un sentiment de crainte et la psychose s'installe.

- Toute une polémique circule autour de Jean-Paul Alduy. Quelles sont vos impressions sur le Maire de Perpignan ?
- Mes impressions sur le maire ? Je ne le connais pas vraiment. Sinon les perpignanais disent que dans la famille ils sont maire de père en fils et que Mr Jean-Paul Alduy fait du clientélisme envers la communauté gitane.
Sinon, moi je constate qu'au service technique de la ville de Perpignan, il y a beaucoup de gitans qui travaillent par rapport à la communauté maghrébine. Et sans parler de ceux qui travaillent à la place Cassanyes, environ 90%.
Une anecdote qui en dit long sur ce clientélisme : à la Noël, les enfants de gitans ont tous des scooters flambants neufs. Merci la mairie et Mr le Maire.

- Comment a été perçu la visite de l'Ambassadeur du Maroc à Perpignan ?
- Pour la venue au centre social Saint-Martin de l'Ambassadeur du Maroc Mr Fathallah Sijilmassi et accompagné du Consul Général du Maroc de Montpellier Mr Ahmed el Hadaoui, ça n’a pas fait beaucoup de bruit. Moi-même je n’étais pas au courant.
Je ne l'ai su que le lendemain, quand le journal local stipulait que les locaux du centre social de Saint-Martin ont été brûlés.
De manière générale cette visite a été bien accueillie par la communauté marocaine de Perpignan. Lors de cette rencontre du mardi 31 mai après-midi, il y avait environ 120 personnes parmi lesquelles, les deux sœurs de Driss Ghaib (Nadia et Malika).
L'ambassadeur a dit : « Il faut à tout prix calmer la colère. Vous n'êtes pas seuls à Perpignan. Nous sommes ici pour essayer de trouver des solutions avec les autorités Françaises.»
Sinon les différentes prises de paroles ont fait ressortir le même sentiment de peur, de colère, de haine."Les Gitans doivent être désarmés","on n'est pas en sécurité", sont les phrases qui sont revenues le plus souvent lors de ce débat. Ensuite Mr l'ambassadeur s'est rendu directement en préfecture pour y rencontrer le représentant de l'Etat .

- Et la venue de Nicolas Sarkozy a-t-elle rassuré les deux communautés ?
- Pour la venue du "nouveau" Sarkozy, il a débarqué vers 11h 30 pour partir 1h30 après. Ce qui à été mal perçu par la communauté maghrébine, c'est le fait d'aller voir directement les commerçants dont les vitres ont été brisées. Il est allé visiter en premier lieu les commerces situés à tout juste 50 mètres du lieu du meurtre du marocain Driss Ghaib, au lieu d'aller voir les familles des victimes d'abord ou de se rendre à la Place du Puig (quartier gitan) ou à la Place Cassanyes (quartier maghrébin)...
Il a dit qu'il reviendrait en Septembre quand le calme sera revenu. En fait, il a sûrement peur de se faire tirer dessus par un fou furieux.

- Un dernier mot...
- Le message que j'ai à faire passer aux communautés maghrébine et gitane, c’est que tout le monde est attristé à la suite de ces deux tragédies à Perpignan et qu’il faut arrêter la violence.
Je ne peux conclure sans avoir une pensée pour les familles des victimes, Mohamed Bey Bachir 28 ans et Driss Ghaib 43 ans, et je tiens à leur adresser mes sincères condoléances.
La vie ne vaut rien , et rien ne vaut la vie...

Propos recueillis par Mohamed - Yabiladi.com

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