Menu

La démocratie marocaine a besoin des médias

«Il faut passer de la presse de dénonciation à celle de révélation!», préconisait Jamal Eddine Naji, professeur à l’Institut de journalisme de Rabat, à l’issue de la conférence thématique «Médias et démocratie», organisée mardi 31 octobre 2006 à Casablanca par le collectif Démocratie et modernité. Mais avant cette conclusion, ce dernier, et son compagnon de route du jour, Abdelaziz Nouaydi, professeur de droits humain, se sont largement exprimés sur la relation existante entre média et démocratie.

Pour ce dernier, la question n’est pas de savoir si la libéralisation audiovisuelle a été «subie ou choisie». Le vrai défi résulte dans la capacité de l’Etat à disposer de programmes en adéquation avec les attentes du grand public. «Il s’agit d’attirer avant tout le téléspectateur /citoyen marocain. Est-ce le cas actuellement? Les récents résultats de mesures d’audience et l’appréciation de l’opinion publique confirment le contraire. Beaucoup d’effort reste donc à faire», dit-il.

Il ne fait pas de doute qu’avec la présence de centaines de chaînes étrangères, les Marocains délaissent les chaînes nationales.

Autre constat, si le Maroc a réformé son code de presse en 2002, il n’en reste pas moins que des problèmes persistent. Il fait allusion notamment à l’ambiguïté de la notion de bonne foi en matière de traitement journalistique de l’information et surtout des peines privatives de liberté. Cependant, la critique majeure repose sur «l’inexistence» d’une loi, selon le Pr Naji, dédiée au droit à l’accès à l’information. Un droit considéré comme un préalable démocratique par les démocraties les plus avancées. En fait, l’article premier du code de la presse consacre ce droit, mais il n’est pas appliqué.

En outre, selon les intervenants, la dualité démocratie et médias peut-être autant constructive que destructive. Dans le même ordre d’idée, le Pr Naji met le doigt dans la prise et évoque la pression silencieuse exercée sur les médias.

De plus, l’absence de proximité entre le traitement de l’information et le citoyen lamda se traduit par des phénomènes aussi divers que nombreux. «Je suis intimement convaincu que l’interdiction arbitraire d’un titre de presse ne conduirait pas la société à se mobiliser. D’autre part, le choix constitutionnel du régionalisme n’a pas été suivi par une couverture territoriale médiatique avec des grands quotidiens régionaux», poursuit Naji. Il illustre son propos en donnant l’exemple du Sahara où le régionalisme a été choisi comme mode de gouvernance

Si la critique constructive est partie intégrante du débat contradictoire, la définition du rôle du journaliste a donné lieu à des échanges lucratifs. En effet, Naji et Nouaydi ont défendu l’idée que le journaliste est aujourd’hui un acteur de la vie démocratique après en avoir été l’animateur durant de longues années. «Il influe sur la vie politique au travers de l’exercice de son activité».
Si les médias, en tant qu’institutions, se doivent de respecter la déontologie et la loi, il n’en reste pas moins qu’ils doivent repousser les lignes rouges artificielles, car l’enjeu est d’instaurer un véritable contre-pouvoir.

Accès aux médias
Le rôle des médias est d’offrir avant tout un espace d’expression pour les acteurs politiques. C’est le cas lorsqu’il s’agit des débats télévisés. Là aussi, les intervenants ont noté certains déficits, notamment le choix des invités, le temps de parole accordé à chacun, … Ce genre de pratique dénote d’une certaine frilosité dans l’émancipation d’une véritable culture démocratique. «L’occasion de rappeler que le pôle audiovisuel a derrière lui 50 années de bureaucratie», souligne le Pr Naji.

Faiçal Faquihi & Rachid Hallaouy
Source: L'Economiste

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com