Menu

M. Sarkozy lance un "appel solennel à bâtir l'Union méditerranéenne"

Devant une assemblée composée de l'élite politique et économique marocaine réunie au palais royal Marshan, Nicolas Sarkozy a mobilisé, mardi 23 octobre, au deuxième jour de sa visite d'Etat au Maroc, ce qu'il possède de souffle et de lyrisme pour tenter d'assurer un destin à son projet d'Union méditerranéenne.

Le choix de Tanger, main tendue de l'Afrique vers l'Europe, n'est pas neutre. Le président français, vantant le riche passé historique de la capitale du nord du Maroc, aujourd'hui candidate à l'Exposition universelle de 2012, a invité avec un peu de grandiloquence les pays de la Méditerranée à répondre à son "appel pressant et solennel [à] bâtir l'union de la Méditerranée (…), le plus beau et le plus grand idéal humain (…), au nom de nos enfants qui, un jour, nous demanderons compte de ce que nous avons fait".

Dans la foulée, Nicolas Sarkozy a invité les chefs d'Etat des pays méditerranéens à tenir une réunion au sommet, en France, en juin 2008. C'est la première fois que le président français se risque à proposer un calendrier pour ce projet qu'il n'a cessé de promouvoir depuis février, lors de sa campagne électorale. L'idée, depuis, a cheminé. "Je sens l'enthousiasme qui monte et l'envie d'y croire", s'est-il exclamé au palais Marshan.

Le chef de l'Etat n'a cependant pas caché la difficulté de la tâche. Il a évoqué, à de nombreuses reprises, "un rêve de paix et de justice et non pas de conquête", "un grand rêve de civilisation", "un grand rêve capable de soulever le monde", comme s'il doutait lui-même de pouvoir l'atteindre.

Mais M. Sarkozy veut y croire et surtout convaincre. Pour lui, ce projet constitue "une rupture avec des comportements, avec des précautions, avec un état d'esprit qui tournent le dos à l'audace et au courage". Et le président français de dramatiser l'enjeu : "Ici , nous gagnerons tout ou nous perdrons tout."

"UN PROJET VISIONNAIRE ET AUDACIEUX"

Rêveur, mais pragmatique, le chef de l'Etat veut faire avancer l'Union méditerranéenne autour de projets concrets, tels que la dépollution de la Méditerranée, qui deviendrait "la mer la plus propre du monde".

Sans encombrer son projet, pour l'heure, de structures contraignantes, M. Sarkozy plaide pour "une Union méditerranéenne pragmatique et à géométrie variable". Il n'entend pas non plus que la France en soit le seul maître d'œuvre : "Ce sera le projet de tous, élaboré par tous. Il ne réussira que si chacun s'y engage et y met une part de lui-même." Il ne souhaite pas davantage que "tout soit décidé par avance", comme si c'était un gage de réussite.

Appelant les Etats méditerranéens à surmonter leurs différends, M. Sarkozy les invite à prendre exemple "sur les pères fondateurs de l'Europe, qui ont fait travailler ensemble des gens qui se haïssaient pour les habituer à ne plus se haïr". Pour lui, "l'Europe fut d'abord un acte de foi, un rêve qui passait pour fou, avant de devenir une réalité".

Le roi du Maroc, Mohammed VI, a répondu à M. Sarkozy dans un discours lors du dîner officiel dans son palais de Marrakech. "Vous avez pris l'initiative d'un projet visionnaire et audacieux, celui de l'Union de la Méditerranée. Nous sommes déterminés à explorer avec vous toutes les opportunités visant à promouvoir une approche inédite. L'initiative posera sans doute les jalons d'un pacte nouveau entre l'Europe et l'Afrique dont la Méditerranée sera le pivot."

Le souverain marocain a cependant insisté sur l'"ambition légitime" du Maroc d'obtenir prochainement un "statut avancé" dans ses relations avec l'Union européenne.

A Tanger, Nicolas Sarkozy s'est gardé d'aborder les dossiers les plus sensibles des relations entre l'Europe et l'Afrique, tels que les flux migratoires. Dans la matinée, face aux députés marocains à Rabat, il avait toutefois évoqué cette question en proposant d'organiser, en 2008, une nouvelle conférence euro-africaine sur l'immigration. "Il est essentiel d'améliorer la gestion concertée des flux légaux de personnes entre les deux rives de la Méditerranée", avait-il déclaré.

M. Sarkozy n'oublie pas son électorat français. Pas question, a-t-il déclaré à Tanger, d'"expiation" ni de "repentance" en ce qui concerne le passé. Vouloir l'Union méditerranéenne, ce n'est pas, a-t-il dit, "vouloir effacer l'Histoire, mais la prendre où elle en est, et la continuer au lieu de la ressasser".

Quelques minutes plus tôt, au détour d'un hommage au maréchal Hubert Lyautey (1854-1934) – "ce grand soldat qui avait compris avant tout le monde que nul ne pourrait s'opposer à l'aspiration des peuples à disposer d'eux-mêmes" –, Nicolas Sarkozy avait pourtant fait une avancée notable en évoquant "les fautes et parfois les crimes que le protectorat [a] engendrés".

Florence Beaugé et Philippe Ridet
Source: Le Monde

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com