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Zapatero au Maroc. Le film d'une visite éclair

Le chef de l'Exécutif espagnol n'aura finalement passé que 5 heures à Oujda. Au programme : profusion de drapeaux nationaux, un accueil plutôt froid et des positions marocaines plus tranchées que jamais.

Froideur, pâle accueil et rencontres plutôt furtives. Si la visite effectuée vendredi au Maroc par le président du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, a brillé, c'est plus par son caractère aussi sommaire que peu chaleureux. Nous sommes loin des bains de foules habituels. Le faste a cédé devant un agenda serré et des relations tendues. La visite, la première depuis la réélection de Zapatero à la tête de l'Exécutif espagnol, a été entamée à 11h du matin, heure à laquelle son avion a atterri à l'aéroport d'Oujda-Angad. Celui-ci a été le théâtre d'une véritable profusion de drapeaux marocains... avec peu de place pour ceux de l'Espagne. Accompagné d'une forte délégation (le ministre des Affaires étrangères Miguel Angel Moratinos, le Secrétaire général de la présidence du gouvernement, Bernardino Léon, le Secrétaire d'Etat aux affaires extérieures, Angel Losada, et le Secrétaire d'Etat à la communication, Nieves Goicoechea) et de quarante journalistes, Zapatero n'a eu droit pour son accueil qu'à une brigade légère de sécurité pour lui rendre les honneurs, soit une dizaine d'éléments en tout. A son accueil, le Premier ministre Abbas El Fassi, Taïeb Fassi Fihri, ministre des Affaires étrangères, et les ambassadeurs des deux pays n'étaient pas loin. Le modeste cérémonial d'accueil achevé, toutes les personnes présentes se sont rendues à la salle d'honneur de la Wilaya d'Oujda. Le temps d'un entretien entre les deux chefs de l'Exécutif, où il a été question notamment de Sebta et de Melilia. Si, officiellement, le sujet n'a été qu'effleuré, la position marocaine a été de nouveau mise sur la table en privé. C'est du moins ce que la presse espagnole s'accorde à affirmer, les quotidiens El Mundo et ABC en premier. El Fassi n'aurait pas raté Zapatero en parlant du droit du Maroc à récupérer ses deux enclaves. Les deux quotidiens vont même plus loin en avançant que c'est le Maroc qui a fait coïncider la date d'arrivée du chef du gouvernement espagnol avec le sixième anniversaire de l'installation de soldats marocains sur l'îlot Leïla-Perejil, préambule d'une crise diplomatique dont la solution a nécessité une intervention américaine. Autre sujet évoqué, l'immigration clandestine. Si Zapatero a profité de son bref séjour pour appeler le Maroc a plus d'efforts en la matière, Abbas El Fassi, lui, a axé son discours sur la facture que paye le Maroc sur ce registre. «Nous déployons d'énormes efforts et consentons des sacrifices colossaux, notamment sur le plan financier, pour lutter contre le flux des immigrés illégaux», a dit le Premier ministre lors d'une conférence de presse.

«Aujourd'hui, le Maroc n'est pas un pays exportateur d'immigrés, mais un pays d'accueil pour des milliers d'immigrants subsahariens», a-t-il expliqué. Alors que Abbas El Fassi et son homologue discutaient, le roi Mohammed VI alignait les inaugurations dans la ville et effectuait sa prière du vendredi à la mosquée Al Oumma. Ce n'est que dans l'après-midi, trois heures après son arrivée, que Zapatero est reçu. Aux sujets évoqués avec Abbas El Fassi, s'est ajouté celui du projet d'Union pour la Méditerranée. Lors de son départ du palais royal pour l'aéroport, Zapatero est accompagné à son véhicule non pas par le souverain, mais par Abdelhaq El Merini, chef du protocole royal. Une exception qui s'ajoute à bien d'autres, la tradition voulant notamment que le premier déplacement d'un chef de l'Exécutif espagnol soit effectué au Maroc. Ce ne sera pas pour ce mandat, le déplacement de Zapatero au Maroc ayant fait l'objet de plusieurs reports ces derniers mois, pour des considérations d'agenda dans la version espagnole et de mécontentement marocain quant à la dernière visite du roi Juan Carlos à Sebta et Melilia.

A l'issue de son voyage éclair, le quatrième du genre depuis 2004, Zapatero n'a pas pour autant dérogé à la règle voulant que les relations entre les deux pays ne souffrent d'aucun ombrage. Lors d'une conférence de presse tenue après la réception royale, le président du gouvernement espagnol a qualifié de «très positifs et fructueux» ses entretiens avec le roi Mohammed VI. Les relations entre les deux pays sont, elles, «bonnes et le seront toujours». Mais, digne de toutes les pressions que subit Zapatero dans ses relations avec le Maroc, et alors que celui-ci se trouvait à Oujda, 250 personnes, se réclamant d'une Plateforme pour l'organisation du référendum au Sahara, manifestaient à Santa Cruz de Tenerife aux Iles Canaries, sommant le chef du gouvernement de ne pas se «soumettre aux exigences marocaines».

Zapatero n'aura passé, en tout et pour tout, que cinq heures au Maroc, avec à la clé un discours conciliant et axé sur les aspects où les relations entre les deux pays sont au plus fort. A commencer par l'économique. Il a d'ailleurs annoncé la réunion, en novembre prochain à Madrid, de la commission maroco-espagnole de haut niveau. Au programme, les questions de l'immigration, mais aussi et surtout de l'économie. Le chef de l'Exécutif espagnol a rappelé, à cet égard, le projet de la liaison fixe à travers le détroit de Gibraltar. Le présent et l'avenir étant aux échanges commerciaux, on retiendra que plus de 600 entreprises espagnoles sont implantées au Maroc et que le meilleur reste à venir. Plusieurs délégations ministérielles espagnoles feront à ce titre, dans les prochaines semaines, le déplacement au royaume pour les préparatifs de la prochaine réunion de haut niveau. Quid du projet espagnol de départ volontaire d'immigrés n'ayant pas d'emplois ? Des déclarations officielles, le sujet semble avoir été mis de côté. Zapatero s'est d'ailleurs contenté de souligner le rôle des 500.000 Marocains résidant en Espagne. Le débat ne fait que commencer.

Tarik Qattab
Source: Le Soir Echos

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