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Telquel / Salaire du roi : Soyons beaux joueurs


("Aucune loi n'interdit de caricaturer le roi, et encore moins de s’intéresser à son salaire")

Sous la présidence du roi Mohammed VI, un conseil des ministres s’est tenu le 6 janvier dernier à Agadir. En marge de ce conseil, un petit groupe de ministres aurait vu le roi en aparté. J’utilise le conditionnel – même si l’information semble sûre – parce qu’aucun des ministres que nous avons contactés n’a voulu nous confirmer la tenue de cet aparté, ni sa teneur. C’est bien compréhensible, vu que leurs collègues n’en sortent pas grandis. Selon nos informations, donc, ces quatre ministres auraient dit au souverain combien ils étaient outragés par les "dépassements" de la presse indépendante. Les 3 titres cités en particulier (TelQuel, Le Journal et Al Bidaoui) ont en commun d’avoir publié, ces derniers temps, des articles "portant atteinte" à la personne du monarque et, pire, des caricatures du roi – ce qui, comme chacun sait, est interdit par le code de la presse. Conclusion : il faudrait, n’est-ce pas, Majesté, leur rappeler que Votre Auguste Personne est Sacrée, faire respecter la loi (pardon, La Loi) avec la plus grande fermeté… bref, Sévir. Mohammed VI n’aurait fait aucun commentaire, sinon que le conseil avait un ordre du jour et que ce point n’y figurait pas. Voila une réaction qu’on peut qualifier de "royale". Exit nos quatre héros – piteusement, on imagine…

Ni le dossier sur "le salaire du roi" (TelQuel n° 156-157), et encore moins les caricatures publiées par ces 3 journaux (dont, faut-il le rappeler, les lignes éditoriales respectives n’ont rien de commun, sinon le refus de l’autocensure)… rien de tout cela, donc, n’a fait réagir le roi et son entourage. Cela ne veut pas dire qu’ils en sont enchantés, mais cela démontre au moins que la liberté d’expression, dans ce pays, est une réalité. Quant au respect de la loi, il n’a rien à voir là-dedans.

Une mise au point s’impose : même si tout le monde en est persuadé, aucune loi au Maroc n’interdit de caricaturer le roi, et encore moins de s’intéresser à combien il touche. L’article 41 du code de la presse punit l'"offense" envers Sa Majesté, oui. Mais qu’est-ce que cela veut dire, au juste ? Selon les pitoyables thuriféraires du régime (ainsi que quelques désopilantes feuilles de chou) tout ce qui sort de l’éloge laudateur relève de l’offense. Pas selon nous et – surtout – pas selon le Palais. L’opinion internationale ne s’y est d’ailleurs pas trompée. Notre dossier sur le "salaire du roi" a été repris aux quatre coins de la planète, chaque fois avec le même commentaire : si Mohammed VI a permis cela, c’est qu’il a vraiment une fibre de démocrate. Nous sommes énergiquement d’accord. Et nous serions vraiment mauvais joueurs de ne pas l’en créditer. Voilà qui est fait.

Par Ahmed Reda Benchamsi
Source: Telquel

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