Mandari : Six scénarios pour un meurtre

Joignant la parole à l'acte, quelques semaines avant son assassinat, il avait même avancé des arrhes (10 000 euros) pour l'achat d'une maison à Barcelone. C'est pourtant en Espagne que Mandari sera assassiné, l'Espagne qui, contrairement à la France, n'avait pas déployé de protection rapprochée autour du Marocain. Dès l'annonce officielle du décès, plusieurs scénarios ont été évoqués par la presse nationale et internationale et certains analystes.

Scénario 1 : La piste marocaine
Elle fut la première à venir à l'esprit de certains observateurs. Hicham Mandari avait assuré, quelques semaines plus tôt, être en mesure de faire des révélations fracassantes pour l'image du Maroc et de mettre à mal les relations franco-marocaines. A ce propos, il comptait lancer une chaîne de télé qui accueillerait « toute forme d'opposition au régime marocain ». Crédible, cette piste n'en soulève pas moins quelques interrogations. Le Maroc est en train de lisser son image à l'étranger. Pourquoi se compromettre dans une affaire où le risque encouru concerne essentiellement des « révélations » sur des personnes ou sur les pratiques du régime qui confinent au secret de polichinelle ?

Scénario 2 : la piste algérienne
Instrumentalisé, Mandari ne servait plus à rien. Il aurait en outre, selon son entourage, grugé financièrement les services algériens pour une somme de 200 000 euros. Les différentes tentatives d'approche du Marocain (cf. document) confirmeraient « la solidité des relations entretenues par le trublion du Makhzen ». Une piste sur laquelle on essaie toutefois d'orienter ostensiblement les journalistes.

Scénario 3 : la piste française
Dans la théorie du complot étranger, c'est la piste la moins crédible, tant les services français, comme la justice française, ont toujours été aux côtés de leurs homologues marocains dès qu'il s'agissait de juguler les actions de Mandari. L'affaire du banquier Othman Benjelloun, soumis à chantage, en est la plus parfaite illustration. Selon des proches du Marocain, celui-ci détiendrait des preuves accablantes concernant le financement des partis politiques français.

Scénario 4 : la piste bahreinie
Mandari est un personnage majeur dans l'affaire des « vrais » -faux dinars du Bahrein impliquant l'actuel souverain régnant de ce petit pays du Golfe. Programmée à la fin du mois de septembre, l'issue du procès du Marocain concernant cette affaire devait normalement tourner à l'avantage de Mandari. L'émir, très proche par ailleurs du Roi Mohammed VI, risquait-il ainsi de voir sa réputation écornée dans les prétoires parisiens ?

Scénario 5 : la piste mafieuse
Mandari aurait écoulé des diamants volés au Souverain défunt Hassan II à la mafia libanaise. Il aurait reçu une avance dont le montant dépasse de loin la valeur des joyaux livrés. Il n'aurait jamais remboursé le reliquat, et un contrat, selon des proches, aurait pu être lancé contre lui. En outre, les fréquentations de Mandari l'avaient amené à frayer de loin ou de près avec de grands barons. L'homme qui lui louait régulièrement ses limousines, actuellement interpellé par la police, un prénommé Tony, travaillait pour Asseyed, un ponte du milieu.

D'autre part, un Russe détenant un passeport polonais du nom d'Askhedarov, rencontré par Mandari à la prison de la Santé, prend une place prépondérante dans l'affaire. Il aurait sauvé la vie du Marocain lors d'une rixe en prison avant de devenir son garde du corps privilégié. Il a aujourd'hui complètement disparu de la circulation.

Scénario 6 : la piste officieuse espagnole
« Un crime crapuleux sur un arrière plan politique », c'est ce qu'aurait laissé entendre une source très proche du dossier. Mais les Espagnols, qui ont promis aux Marocains une discrétion totale sur l'enquête, ne sont pas plus explicites. La source ajoute, en outre, que cette affaire ne mettra pas à mal les relations diplomatiques avec Rabat.

Source : Le Journal Hebdomadaire