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Lettre à mon confrère, le dupé Ali Lemrabet

Salutations fraternelles.

Cette lettre t’est adressée par un citoyen marocain que tu n’as pu connaître au travers de ta perspicacité de journaliste, ni voir, et encore moins ressentir ses soucis ou ses souffrances.

Il s’agit de ce citoyen sahraoui sur les rêves duquel ont été bâtis les camps de Tindouf, où il a enduré le calvaire dans toute son étendue et dont les espoirs et les ambitions se sont brisés sur leurs tentes en lambeaux.

C’est cet être qui a découvert les intrigues des dirigeants d’une entité fantoche et artificielle et les complots de ceux qui ont décelé le noir de nos yeux lorsqu’il s’est agi pour eux de défendre le principe même.

Il s’agit de cet être humain qu’ils ont broyé et marginalisé par leurs mensonges, leurs mystifications et leur machiavélisme pour faire en sorte que - derrière un masque - se tende sa main pour quémander les aumônes, les assistances et les aides qu’ils détournent - sans pudeur aucune - aux fins de se constituer une mine intarissable de devises qu’ils blanchissent dans les biens immeubles et l’élevage de cheptel.

S’il peut paraître que ton intelligence de journaliste, confrère le dupé, devrait t’édifier sur ton interlocuteur, je suis en ce qui me concerne certain que mon identité ne te viendrait jamais à l’esprit, ceux qui t’ont fait entrer aux camps t’ayant soumis à un lavage de cerveau et ayant transfusé un autre sang dans tes veines.

Saches que, Moi qui regagne mon pays, qui ai répondu à l’appel de la Patrie après une longue période de souffrances, d’épreuves et une expérience amère dans les camps de la honte, je suis revenu au Maroc où je m’y retrouve dans un climat propice au pluralisme, à la libre appartenance et à la liberté d’expression, une atmosphère qui m’a amené à me positionner aux côtés de mes frères comme acteurs agissants dans la défense des Droits de l’Homme, mon expérience et mon vécu dans les camps m’ayant éclairé sur le sens profond des Droits de l’Homme, un concept que vous ne devez pas avoir rencontré lors de votre « mémorable » visite et soi-disant tournée dans les camps.

A partir donc de ma position d’acteur agissant dans le domaine des Droits de l’Homme, j’avais dénoncé et condamné tout ce à quoi pourrait s’exposer l’un de mes confrères journalistes comme abus et excès, au service de la liberté d’opinion et d’expression.

A ce même titre, mon ardeur journalistique m’a incité à prendre ta défense après ton arrestation et ton jugement et à signer des pétitions et des lettres de solidarité, sachant que je ne partageai pas tes vues et conceptions, ni ta ligne éditoriale et ta manière d’aborder et de traiter les questions nationales.

Je l’ai fait pour toi par devoir parce que tu es journaliste. C’est ce que ma conscience me dictait. J’ai été, cependant, surpris par les propos que tu as tenus dans l’interview accordée à l’hebdomadaire « Al Mostaqil », numéro 816 du 07 au 12 janvier 2005, et profondément déçu par ton attitude farfelue.

Que tu te rendes à Tindouf pour visiter ses camps, c’est une affaire qui ne concerne que toi, personne n’a à s’y ingérer, pourquoi ? Parce que tes pieds n’ont foulé en fin de compte qu’une terre algérienne, Tindouf n’étant qu’une wilaya parmi d’autres de l’Algérie, c’est pourquoi cela ne nous touche en rien, nous Marocains.

J’ai ressenti de la pitié pour toi alors que tu interviewais Mohamed Abdelaziz qui s’acquitte à la perfection de sa mission de geôlier, et se conforme aux ordres de ses maîtres en y ajoutant du zèle. Je vous ai imaginé ensemble en train d’échanger des propos entre mercenaires qui se complètent et se partagent les rôles. Tu sais parfaitement que le mercenariat revêt plusieurs formes, l’enseignement découlant tout à la fois, du contenu comme des résultats.

Comment as-tu pu conclure d’un trait de plume que mes frères, cousins et les membres de ma tribu, ne sont pas séquestrés et ne sont pas soumis à un siège dans les camps de Tindouf ? Les as-tu effectivement rencontré et t’es-tu informé de leur situation ? Ton intelligence phénoménale t’a-t-elle permis de le faire en un court laps de temps ? Ta présence dans une zone militaire t’a-t-elle permis de brûler toutes les étapes ?

Il est certain, et c’est ce qui a fait que je ressente une nouvelle fois de la pitié pour toi : soit tu ignores la signification et le sens linguistique du « siège » et de la « séquestration » et ce serait un désastre, ou que tu aies pu te rendre compte, grâce à ton flair, qu’il existe un véritable siège et une séquestration effective, que tu as feint d’ignorer pour une raison qui te concerne et que personne parmi nous n’ignore, et c’est là le véritable drame.

Le dessein que tu as nourri t’a compromis, a faussé tous tes calculs et t’a frappé de cécité, l’aveuglement pouvant toucher à la fois les yeux et les cœurs.

Si ta vocation journalistique t’a conduit à cette ignorance, je m’emploierais, par la grâce de Dieu, à t’éclairer sur les réalités de la séquestration.

Quand tu te trouves dans les camps de Tindouf, tu es dans une région soumise à un siège puisqu’il s’agit d’une zone militaire algérienne assujettie à un double contrôle sévère, celui des services de sécurité algériens et celui des forces de sécurité du « Polisario ».

Le siège est reconnaissable déjà par les espaces infinis qui entourent ces camps qui se trouvent dans des lieux isolés, loin des centres et agglomérations urbains. Les camps ne sont pas regroupés comme certains pourraient l’imaginer, mais sont distants les uns des autres à des dizaines de kilomètres et le déplacement d’un camp à l’autre est soumis à des mesures sécuritaires draconiennes.

Le camp se présente comme un grand pénitencier où la circulation est tolérée comme tu as pu le constater toi-même, mais ce que tu n’as pu réaliser, c’est que celui qui entre dans le camp ou celui qui en sort est soumis à des interrogatoires et doit être muni d’autorisations spéciales délivrées par la police du polisario, en accord et en coordination avec les services de sécurité algériens.

Les membres d’une même famille sont séparés les uns des autres par des méthodes insidieuses qui pourraient te paraître naturelles et tout à fait ordinaires, mais qui consacrent dans le fond la séquestration et le siège : éloignement des époux de leurs conjoints et de leurs enfants, sous le prétexte de l’accomplissement de missions militaires et civiles à l’extérieur, ou du cantonnement dans les bases et les casernes pour une longue durée ou encore de l’envoi des enfants en bas âge dans les écoles situées dans des villes algériennes éloignées ou à l’extérieur de l’Algérie comme à Cuba, en Libye et en Espagne...

Leur éloignement des camps peut durer plus de quinze années. Et si jamais ils retournent, ils se rendront compte que leurs proches sont soit détenus, soit décédés ou qu’ils ont regagné la mère patrie, le Maroc, ce qu’il leur vaut de subir les pires traitements en guise de représailles contre les leurs.

Pour ton information, les dirigeants du « Polisario » visent, à travers cette séparation systématique, à faire pression sur les familles pour qu’elles ne pensent jamais à fuir l’enfer des camps et rejoindre leur patrie.

Ces pratiques n’ont pas épargné l’opération d’échange de visites entre les familles que le « polisario » a déviée de ses objectifs purement humanitaires. Certains membres d’une même famille étaient autorisés, à l’exclusion d’autres, à visiter les provinces Sud, de sorte que ceux qui demeuraient dans les camps devenaient ainsi des otages.

Et au lieu que cette opération soit un véritable programme d’échange de visites familiales, elle est devenue, comme par enchantement, un programme de visites de certains membres de la famille seulement.

En prenant connaissance de la liste de l’écrasante majorité des bénéficiaires, tu te rendras compte que le regroupement familial était incomplet.

Si ce que tu as affirmé était véridique, les membres des familles bénéficiaires n’auraient pas décidé de rester au Maroc et réclamé le retour du reste des leurs pour les retrouvailles familiales.

Je te dis tout simplement et avec le plus grand regret que ton témoignage, niant l’existence du siège et de la séquestration dont sont victimes nos frères dans les camps de Tindouf, est un pur mensonge, un faux témoignage livré avec préméditation et qui a pour motivation la haine, la rancœur et la volonté de se moquer du monde.

Je ne te pardonnerai jamais ce témoignage qui constitue une grave atteinte au patriotisme de nos frères séquestrés, à la dignité de mes frères ayant regagné la mère Patrie, comme il porte cyniquement préjudice à nos citoyens attachés au Sahara et demeurés un bastion inexpugnable contre les desseins séparatistes, ne voulant rien d’autre que l’Intégrité territoriale et la Souveraineté nationale du Maroc.

Nous n’avons guère besoin de ton témoignage vil et mensonger, l’unique témoignage qui a de la crédibilité à nos yeux, et auquel nous adhérons, est celui que livrent les personnes ayant regagné la mère Patrie, fuyant l’enfer des camps au prix de leurs vies et de celles de leurs proches, ainsi que les témoignages présentés par ceux qui se sont rendus dans les provinces du Sud dans le cadre de l’échange de visites.

Je te demande de te référer aux témoignages rapportés par les Organisations internationales des Droits de l’Homme sur les violations des droits humains dans ces camps si tu n’as pu en prendre connaissance ou si tu feins d’ignorer ceux livrés par tes compatriotes.

Ce sont là des témoignages sincères et émouvants qu’à mon sens tu ne mérites pas d’entendre, pas même d’enquêter à leur sujet. Tu ne pourras jamais te livrer à cet exercice, ce dont tu es capable, c’est d’être un élève fidèle et respectueux à l’égard de celui qui te dicte des mensonges que tu t’empresses d’exploiter dans ce que tu appelles ton style satirique. N’est-ce pas là l’ironie du sort ?

Après tout ce qui précède, n’avais-je pas vu juste en t’appelant au début de ma lettre « mon confrère le dupé » ? Je ne trouve finalement d’autre qualificatif qui s’applique le mieux à ton cas que celui du « confrère manipulé ».

Avec mes salutations.

Signé : Khalifa Bellahi Journaliste

Source: L'Opinion

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