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Maroc-France/intégration: Kriegel: «Nous cherchons des idées»

Rencontre avec la présidente du Haut Conseil à l’Intégration

Pour la première fois, le Haut Conseil à l’Intégration organise, dans un pays étranger, un séminaire auquel participent plusieurs de ses membres. Le but est de chercher des propositions et de nouer des contacts entre les différents acteurs qui s’intéressent aux causes communes. Deux sujets seront abordés: l’application du nouveau code de la famille et la situation des vieux migrants. Entretien avec Blandine Kriegel, présidente du Haut Conseil à l’Intégration et conseillère du président de la République.

- L’Economiste: Pourquoi l’organisation de ce séminaire au Maroc ?
- Blandine Kriegel : Nous avons au sein du conseil plusieurs membres d’origine marocaine* qui nous ont plusieurs fois proposé de faire un séminaire au Maroc. Les membres du Haut Conseil à l’Intégration ont salué, avec beaucoup de reconnaissance, la réforme accomplie et mise en oeuvre sur le code de la famille. Il y a une convergence entre la réforme et les vœux du HCI. Le HCI a toujours voulu avoir un point de vue comparatiste. On a senti le besoin de nouer le lien sur le terrain avec la Méditerranée Sud.

- Allez-vous partir avec des propositions?
- Nous allons tester les réflexions. C’est un échange réciproque, nous espérons un enseignement mutuel. Ce qui permet également de faire rencontrer des acteurs des deux pays. Nous suivons dans cela également les recommandations européennes d’encourager les relations entre les deux rives de la Méditerranée.

- La question des vieux migrants est rarement traitée, pourquoi cet intérêt nouveau?
- Lors de nos visites dans les cités, nous avons visité les foyers et avons été saisis de l’état d’abandon dans lequel se trouvaient les vieux travailleurs migrants. Les conditions indignes de leurs lieux de culte; ils n’ont pas accès, comme tout le monde, aux aides médicales à domicile. En plus de la dimension sociale, c’est une dimension aussi symbolique, les travailleurs issus de l’immigration ont beaucoup apporté à la construction de notre pays. C’est une prise de conscience. Leur situation financière n’est pas heureuse non plus quand ils veulent revenir à leur pays d’origine: liquidation de leur pension, versement des avantages sociaux qui sont liés ici à des obligations de résidence.
Nous sommes saisis d’un avis que nous devons rendre au Premier ministre sur la situation des vieux travailleurs migrants. Et nous voudrions recueillir des avis sur place pour améliorer cette situation.

- Le Maroc a-t-il répondu à vos demandes en matière du statut de la femme ?
- Tout en restant modeste, le Maroc est un pays pionnier. Nous réfléchissons de notre côté et puis l’évolution est endogène de l’autre. Le président de la République dans son discours au Parlement marocain a dit: le Maroc a toujours été une civilisation d’ouverture et de dialogue, c’est en suivant cette voie que le Maroc a fait cette réforme

- Le nouveau code de la famille va-t-il permettre des résoudre certains problèmes rencontrés par les ressortissants marocains en France?
- La France non plus n’est pas parfaite, il y a beaucoup de choses à améliorer dans les deux pays.

- Vous ne venez pas au Maroc en donneur de leçons ?
- Absolument pas, nous sommes dans un dialogue et des échanges réciproques. Notre réflexion était très avancée sur les droits civiques des femmes, mais elle l’est moins sur les travailleurs immigrants; nous voulons recueillir des propositions qui nous permettraient de changer les choses.


La Moudawana, comment ça marche?

Mohamed Yassine, consultant juridique marseillais, est confronté quotidiennement aux problèmes d’application du nouveau code de la famille marocain, il nous livre ici ses préoccupations et ses suggestions.

Le statut personnel marocain reste incompris en France et les juridictions de ce pays ne le perçoivent qu’à travers les actes et les jugements rendus par la justice marocaine. Ce qui nécessite une adaptation sur le fond et la forme de ces actes.

La réforme du code de la famille a été largement médiatisée, sans que sa portée n’ait de conséquences sur le comportement des juges français à cause de leur ignorance de son contenu.

Tout récemment à Marseille, le juge de famille a exigé d’une justiciable marocaine de fournir au tribunal la législation marocaine relative au divorce. S’adressant au consulat, elle n’a pu obtenir qu’une copie en arabe de la Moudawana.

Dans un premier temps, les consulats doivent être alimentés en documentation large et précise sur le droit de famille marocain.
Ensuite il y a un travail d’information, d’explication et de sensibilisation qui doit être orienté vers l’appareil judiciaire français.

De même, le tissu associatif concerné doit être éclairé sur les dispositions législatives en cette matière.

Il arrive souvent que les juges français rejettent le divorce prononcé au Maroc et ce, pour défaut de notification ou absence du caractère contradictoire. Ils considèrent que c’est une décision contraire à l’ordre public.

Aussi, certaines traductions produisent des effets nuisibles pour les justiciables marocains devant les tribunaux français, notamment les termes: répudiation, puissance maritale, etc. Il convient d’éradiquer l’emploi de ces termes.

Quant à l’exercice de droit de visite et l’accompagnement durant les vacances scolaires au Maroc par l’un des parents divorcés, il nécessite une réflexion profonde et la mise en place des mécanismes clairs, simples et efficaces dans l’intérêt des enfants.

Concernant le mariage des citoyens français ou résidents marocains avec des conjoints installés au Maroc souffrent d’un traitement administratif très long et complexe, soit pour l’obtention de visa de conjoint français ou de l’autorisation de regroupement familial.

De sérieux efforts doivent être entrepris dans le sens de la simplification et la célérité dans le traitement des dossiers. Egalement, il serait très utile d’instaurer l’accompagnement des couples durant cette phase pour une meilleure intégration de la partie qui arrive en France.

Des jeunes Marocaines se sont trouvées liées pendant des années, par un mariage avec des jeunes compatriotes, mais restent incapables d’assurer l’arrivée de leurs époux, soit pour leur incapacité de réunir les conditions requises ou soit par la découverte que les intéressés ne font que prétexter le mariage pour posséder une carte de séjour en France.

Ainsi les couples qui, après un délai suffisamment long, n’arrivent pas à organiser leur vie commune sur le sol français (soit pour échec du processus ou par décision unilatérale de mettre un terme au mariage) il convient d’étudier la mise en place d’une procédure souple qui leur permettra de dissoudre le mariage impossible ou difficile à vivre ensemble.

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* Les membres d’origine marocaine qui siègent au Haut Conseil sont:
- Myriam Salah-Eddine (Adjointe au maire de Marseille, déléguée à l’action familiale et droits des femmes);
- Khalid Hamdani (Consultant en ressources humaines et président de la fédération UMP de la Nièvre);
- Amina Ennceiri (Secrétaire générale adjointe du HCI)

Hakim El Ghissassi
Source : L'Economiste

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