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En Espagne, la question du Sahara est devenue une affaire intérieure

Voyez-vous des différences entre les événements de septembre 1999 et ceux de mai 2005 au Sahara ?

A mon avis, il y a un élément nouveau dans les événements de 2005 : l'expression d'un sentiment identitaire que partage, depuis longtemps, une grande partie de la population du Sahara. C'est certain que ces événements ont été initiés par une minorité qui a essayé de provoquer les forces de l'ordre pour interpeller l'opinion publique internationale. Mais le Maroc devrait être attentif à ce que cachent ces événements : un besoin de reconnaissance d'une spécificité sahraouie qui va du culturel au politique. Le Maroc n'a pas mis sur la table un véritable projet d'autonomie -du culturel au politique- qui puisse canaliser et donner une réponse à toutes ces revendications. Ce n'est certainement pas avec la répression que tous ces incidents vont cesser, mais plutôt en affrontant une fois pour toutes la question de fond qui est le problème de l'identité.

Comment évaluez-vous la position du Maroc dans l'affaire du Sahara vis-à-vis de la communauté internationale ? S'est-elle renforcée ou affaiblie ?

Une fois de plus, le manque de crédibilité du Maroc sur le plan international remonte au même problème : le Maroc est toujours à la traîne d'initiatives prises par autrui, que ce soit le Plan de paix de 1990, l'Accord Cadre, le Plan Baker… Il manque un plan marocain qui situe la solution de l'affaire du Sahara dans l'ensemble des problèmes du pays, du besoin impérieux de réforme constitutionnelle, de la sortie de la crise économique et sociale. L'argument est que le Maroc ne peut pas mettre sur la table un plan d'autonomie pour le Sahara parce que ça rendrait difficiles les négociations ultérieures. Mais à mon avis, c'est tomber dans le cercle vicieux qui conduit uniquement au statu quo. Ce que la communauté internationale attend du Maroc, c'est justement un plan précis qui n'aille pas à l'encontre des recommandations des Nations Unies, lesquelles passent par un accord entre les parties soumis au référendum de la population. Sans un plan crédible de démocratie qui mène à l'autonomie, je crois que la position internationale du Maroc ne fait que s'affaiblir.

Pensez-vous que la politique de rapprochement avec le Maroc, initiée par le gouvernement Zapatero, est tenable étant donnée la popularité de la cause sahraouie auprès de la société civile espagnole ?

Le gouvernement de Zapatero a voulu dès le premier moment rétablir de bonnes relations avec le Maroc en essayant à la fois de trouver une solution à la question du Sahara qui interfère profondément dans les relations entre les deux pays. Mais il a des difficultés à concilier deux positions antagonistes, construites sur la sacralisation de principes tels que l'intégrité territoriale sans nuances défendue par le Maroc, et l'autodétermination en abstrait, défendue à tout bout de champ par l'opinion publique espagnole qui l'identifie à l'indépendance. Le gouvernement de Zapatero a manqué de capacité didactique pour convaincre le gouvernement marocain qu'il doit offrir un plan global qui le rende plus crédible devant la communauté internationale et, en même temps, il n'a pas su convaincre l'opinion publique espagnole qu'il y a d'autres issues valables en dehors de l'indépendance et qu'un accord entre les parties soumis au référendum ne va pas à l'encontre de la légalité internationale. En Espagne, la question du Sahara est devenue une affaire intérieure qui a produit un autre cercle vicieux qui conduit uniquement au statu quo. Les difficultés qu'a rencontrées la commission parlementaire qui aurait dû visiter le Sahara Occidental pour connaître de près la situation dans le territoire sont venues des tensions internes entre partis, entre l'opposition et le gouvernement. Sans parler des attitudes intolérantes de certains partis qui ignorent tout à fait la réalité du Maroc. Mais le Maroc, de son côté, n'a pas facilité non plus la tâche avec la fermeté de sa répression et son attitude fermée vis-à-vis des délégations de parlementaires pro- autonomie qu'il a considérées d'emblée comme hostiles, se faisant ainsi beaucoup plus d'ennemis qu'auparavant et laissant entendre qu'il avait des choses à cacher.

Quel sera l'effet de la nomination d'un nouvel envoyé spécial, (le diplomate hollandais proche de Annan, Peter Van Walsum) sur la suite des événements ?

Je crois qu'il arrive à un bon moment. Une personnalité neutre qui puisse contribuer à redresser la situation, c'est ce dont on a besoin après tous ces mois de dérive. Espérons que les deux parties en conflit le reçoivent sans méfiance.

Source: Journal Hebdo

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