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Pays-Bas - Khadija Aaraïb: Nous vivons une situation difficile

«Nous vivons une situation difficile. Certaines personnes ont exploité l'assassinat du cinéaste Van Gogh pour attaquer l'Islam et la communauté musulmane». C'est ce qu'a déclaré la députée néerlandaise Khadija Aaraïb, dans un entretien accordé à nos confrères du journal Assahara Al Maghribia.

Quels sont les derniers développements de la situation aux Pays-Bas ?
La nuit de mardi (16 novembre) n'a pas connu d'actes de violence contre les symboles religieux musulmans ou chrétiens. Mais, je ne peux pas dire que les choses ont retrouvé leur état normal d'avant l'assassinat du réalisateur Théo Van Gogh. Car, la tension persiste.

Elle est sans cesse alimentée par les débats continus sur la liberté d'expression et l'influence que l'Islam exerce sur les jeunes Néerlandais. Certaines personnes ont exploité l'assassinat du cinéaste Van Gogh pour attaquer l'Islam, le qualifiant de «religion violente ». Ces détracteurs de l'Islam veulent trouver dans les événements une légitimité à leur position hostile. Ils ont légitimé la violence contre l'Islam.

Est-ce que vous faites référence à l'extrême droite qui a eu des positions tranchées à l'égard des communauté, musulmanes des Pays-Bas ?
Je parle de l'extrême droite et de certains intellectuels qui ont fait montre d'une grande hostilité à l'égard de l'Islam. Ces derniers ont utilisé la presse néerlandaise pour faire passer leur message de haine et d'hostilité. Malheureusement, après l'assassinat du réalisateur Van Gogh, certains Néerlandais ont commencé à les soutenir.

Ce genre de débat avait-il commencé aux Pays-Bas après le 11 septembre ?
Non, le débat aux Pays-Bas existait avant les attaques terroristes. Le débat avait eu lieu sur le voile des filles et sur l'accès des femmes voilées aux fonctions de l'administration publique et des écoles.

Mais la tension s'est accentuée avec les événements du 11 septembre et nous vivons, suite à l'assassinat de Théo Van Gogh une situation très difficile. Les problèmes ont commencé depuis que le débat a été dévié sur la question de l'immigration. Des débats ont évoqué l'intégration difficile de la communauté des immigrés et leur cloisonnement. Les partis politiques néerlandais avaient d'ailleurs exploité la carte de l'immigration et la question de la femme et de la difficulté de l'intégration des jeunes avant le 11 Septembre.

La question a été évoquée au sujet de l'interdiction d'importer les imams des pays islamiques devant le Parlement néerlandais. Où en est ce projet ?
Cette proposition a été faite depuis une semaine au Parlement. Le Parti travailliste auquel j'appartiens l'a soutenue. Nous vivons un problème véritable à ce sujet. Des imams venant d'Arabie Saoudite, de Syrie, de Libye et d'Egypte arrivent à avoir des certificats de résidence aux Pays-Bas.
Il s'avère que ces personnes ont des penchants politiques proches des groupes radicaux. Leur discours au sujet de l'homosexualité et de la femme suscitent toujours une grande polémique médiatique.

Il est donc apparu nécessaire de trouver une solution à cette question d'importation des imams.
La proposition de loi suggère la formation des imams par une institution néerlandaise et de commencer en 2008 l'application du projet et la formation des premières promotions des imams. L'assassinat du réalisateur Téo Van Gogh a par ailleurs démontré que l'assassin présumé, Mohamed Bouyri, était en relation avec le dénommé Abdeladim Akdad que l'on soupçonne d'appartenir à un réseau terroriste actif aux Pays-Bas et impliqué dans l'assassinat du réalisateur Van Gogh.

Selon la note de détention, Akdada aurait joué un rôle actif, jusqu'à son arrestation en Espagne, à un niveau dirigeant dans un groupe islamiste démantelé ces derniers jours aux Pays-Bas et auquel appartient également Bouyri. Des informations soulignent que le coordinateur entre les deux hommes est un imam syrien. D'où l'intérêt de la proposition faite au Parlement.

Un autre point a été soulevé au Parlement relatif au retrait de la nationalité néerlandaise à toute personne impliquée dans des actes terroristes ?
Cette question a été en effet soulevée. Il a été dit aussi que le coupable doit être puni d'abord et ensuite rapatrié à son pays d'origine, après le retrait de sa nationalité néerlandaise. Mais au Parti travailliste, nous ne sommes pas d'accord avec ce projet qui soulève nombre de problèmes juridiques. Nous ne sommes pas d'accord pour faire retourner aux pays d'origine de ses parents, l'auteur d'un acte terroriste qui est né aux Pays-Bas.

Je veux, par ailleurs, signaler que le projet est en relation avec un autre présenté par l'actuel gouvernement et qui concerne «la double nationalité» dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler «l'intégration». Le gouvernement tente d'exploiter la situation générale actuelle pour faire passer son projet. Il est possible d'appliquer le projet de retrait de la nationalité à toute personne- de résidence récente aux Pays-Bas- lorsqu'il aura été établi qu'elle a été impliquée ou qu'elle a été poussé à accomplir un acte terroriste.

Vous avez réussi votre intégration aux Pays-Bas, pour preuve vous avez pu accéder au Parlement. Comment vivez-vous la situation actuelle ?
Je vis une crise psychologique importante en ce moment. Je peux comparer la situation actuelle aux Pays-bas à celle qu'avait vécue la ville de Casablanca au lendemain des attentats terroristes. Je n'ai jamais pensé qu'un jour un assassinat pouvait être perpétré contre un réalisateur dans cette ville et qu'une personne appartenant à un groupe extrémistes pouvait en être l'acteur. La vie a changé ici. Nous voyons des femmes voilées de la tête au pied et des hommes en habit afghan. J'ai visité il y a quelques jours le quartier où vivait Mohamed. Lorsque vous y accédez-vous sentez la peur vous envahir.

Khadija Aaraïb craint-elle des attentats terroristes ?
Je crains la montée des appels de la part des extrémistes néerlandais à la chasse aux immigrés, en particulier Marocains. La situation est très critique.
Des amis m'ont appelée à prendre des précautions pour mes déplacements, mais je continue à me déplacer en toute liberté. La plupart des édifices que je fréquente sont bien surveillés.
Le Parlement néerlandais connaît un contrôle stricte : police, barrières et signalisations.
L'édifice a été construit pour être ouvert sur les différentes places de la ville. Mais les choses ont basculé du jour au lendemain.

Est-ce que vous êtes molestée à l'intérieur ou à l'extérieur du Parlement de la part des Néerlandais ?
Au Parlement comme dans la rue, je suis traitée avec respect. Ils ont pris l'habitude de me voir dans les médias. Ils évitent même de soulever le problème avec moi dans la rue.

Mais les Marocains vivent une pression énorme dans la rue. Ma mère me parle ainsi du contrôle excessif autour des mosquées, ainsi du harcèlement que font subir des Néerlandais à leurs voisins parmi les familles marocaines. Ces actes racistes se sont propagés y compris dans les écoles.

Ahmed Najim
Source : Le Matin

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