Une dizaine de plaintes de dénonciation de corruption ont été adressées à l'Observatoire de la corruption et du développement de la transparence au Maroc. Chiffre dérisoire ! Normal, pas de loi pour protéger les dénonciateur
«La cellule d'écoute de l'Observatoire de la corruption et du développement de la transparence au Maroc n'a reçu qu'un dizaine de plaintes». Ce sont les propos de Mohamed Ali Lahlou, directeur de cette instance créée, il y a près d'un an, par Transpareney Maroc, avec le soutien financier de l'ambassade des Pays-Bas au Maroc. Un chiffre qui en dit long sur le travail qui reste à accomplir pour inciter le citoyen marocain à stigmatiser la corruption et à participer à la lutte contre ce fléau pernicieux qui gangrène la société. Deux raisons expliquent cet état de chose : le vide juridique pour protéger les témoins et les victimes de la corruption, ainsi que le manque de communication concernant l'existence d'une telle structure. «La réticence des citoyens à dénoncer les délits de corruption est due principalement à l'absence d'une législation qui les mettrait à l'abri de toute poursuite judiciaire à leur encontre», précise Ali Lahlou. L'urgence d'une telle réforme n'est plus à démontrer. Mise en place pour venir en aide aux victimes de la corruption, la cellule d'écoute de l'observatoire a pour missions de recueillir les doléances des victimes, de soutenir ces dernières en leur apportant une assistance juridique et de les orienter vers les autorités compétentes.
Deux avocats pilotent cette opération. Il ne s'agit d'autres que les célèbres auteurs de la «Lettre à l'Histoire», Lahbib Hajji et Abdellatif Kenjaâ, eux-mêmes victimes de ce vide juridique. Souvenez-vous, les deux avocats de Tétouan avaient été suspendus de leur fonction pour avoir osé dénoncer la corruption dans le milieu de la justice. Selon maître Abdellatif Kenjaâ, certaines personnes envoient des lettres de dénonciations sous couvert de l'anonymat. L'observatoire reçoit également des appels téléphoniques anonymes. «Les gens ont peur», note cet homme de loi.
«Abus de pouvoir», «détournement de fonds», «tentative de corruption», «non transparence dans la gestion d'une administration ou d'une entreprise»..... les plaintes font état d'une situation alarmante. «Le gouvernement est appelé à respecter ses engagements internationaux», ajoute Abdellatif Kenjaâ. Selon la convention internationale des Nations Unies contre la corruption ratifiée par le Maroc, chaque Etat-patrie doit envisager «d'incorporer dans son système juridique interne des mesures appropriées pour assurer la protection contre tout traitement injustifié de toute personne qui signale aux autorités compétentes, de bonne foi et sur la bases de soupçons raisonnables, tous faits concernants les infractions». Le texte est sans ambiguïté. L'Etat doit protéger les victimes et les témoins qui dénoncent la corruption.
Pour atteindre son objectif, en l'occurrence mettre à la disposition du citoyen une information de qualité, la cellule d'écoute s'active actuellement à la production d'un guide d'aide aux victimes de corruption. Ce document, qui sera édité fin mai prochain, fournira les conseils et les orientations juridiques nécessaires. Une large campagne de communication sera lancée également pour informer le grand public.