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Football : Entretien avec Makhete Ndiaye du Wac

L’attaquant sénégalais et ancien joueur de la JA, Makhète Ndiaye, actuellement au Wac de Casablanca (D1 Maroc), est sous les feux de l’actualité pour avoir trop violemment déversé son courroux sur son entraîneur Jacky Bonnevay au cours d’un match de Coupe arabe en Arabie Saoudite : il a tout simplement frappé, devant un public médusé et les caméras de la télévision, le technicien français, «coupable» d’avoir fait de lui un «remplaçant remplacé». Un acte impardonnable qui a soulevé des vagues dans un royaume chérifien où la discipline semble de rigueur. Alors que son avenir au Wac est en suspens, le joueur a accepté dans cette interview de revenir sur l’affaire, sa genèse, ses regrets, ses craintes, sa non-signature au Supersports d’Afrique du Sud, sans oublier d’effleurer sa découverte du championnat marocain. Lumière.

Makhète, vous êtes actuellement sous les feux de l’actualité. Qu’est-ce qui s’est réellement passé lors de ce match ?

L’affaire remonte aux quelques problèmes que j’avais déjà eus avec l’entraîneur (le Français Jacky Bonnevay). Des problèmes qui concernent aussi les autres étrangers de l’équipe. Donc ça remonte à la Coupe arabe (contre El Hilal de Ryad) qu’on avait joué, il y a quelques temps en Arabie Saoudite et l’on s’était un peu pris la tête avant le match. On l’a un peu soupçonné de racisme aussi envers les étrangers et de vouloir faire l’affaire des Marocains. Et lors du fameux match, j’étais donc remplaçant et comme notre équipe peinait, le coach m’a dit de m’échauffer. Je suis rentré alors en première période et tout juste en début de seconde période, il m’a fait sortir. Je l’ai mal pris et je me suis énervé en sortant du terrain. Et je le lui ai manifesté (sic).


Qu’est-ce qui a entraîné votre réaction ?

Je pense que ma réaction est due surtout aux problèmes qui nous ont toujours opposé notamment et que j’avais en commun avec les étrangers. Et l’incident du match n’a été que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Mais tout s’est passé tellement vite que je n’arrive même plus à comprendre ma réaction. Mon remplacement dans ce match m’a certes fait très mal, mais encore une fois, je pense que l’électricité entre le coach et moi couvait depuis.


Avec le recul, avez-vous des regrets ?

Bien sûr qu’avec le recul, j’ai des regrets parce que je ne pensais pas que l’affaire prendrait de telles proportions. Mais je pense que chacun de nous à un instinct d’animal (!) qui nous fait faire certaines choses. Mon mot dans cette affaire est que je la regrette beaucoup.


Vous avez été entendu par la commission de discipline de la Fédération royale marocaine de football. Comment appréhendez-vous la suite de l’affaire ?

Pour l’instant, je ne peux rien dire sur la suite de l’affaire et je ne suis au courant de rien du tout. J’attends seulement la décision de la commission qui m’a entendu en compagnie de mon manager. Au sortir de la rencontre, ils m’avaient dit qu’ils rendraient leur décision sous peu. Mais j’y étais allé plus pour présenter des excuses à l’ensemble de la famille du football, que pour revenir sur l’incident.


N’avez-vous pas peur d’une radiation définitive ?

(Rires gênés) De toute façon, je m’en remets à Dieu et je mets tout cela sur le compte du destin. Cela devait arriver et c’est arrivé. Mais c’est quelque chose que je gère sereinement surtout que j’ai le soutien de nombreuses personnes dont mon manager. Des gens comme Mbaye Diouf Dia (ex-dirigeant de la Douane), Joseph Koto (ex-entraîneur adjoint de la JA, son ancien club) m’ont appelé du Sénégal pour me soutenir et ça m’a fait du bien. Maintenant, j’attends tranquillement la suite.


N’avez-vous pas des craintes aussi sur la suite de votre carrière ?

C’est sûr que ce sera un point noir sur ma carrière. Beaucoup de personnes pourraient amener à croire aussi que Makhète est un joueur indiscipliné. Alors que je pense que ce serait injuste de ne me juger que là-dessus. Et ceux qui me connaissent savent bien que je ne suis pas comme ça. Et si c’était à refaire, jamais je ne le referais.


Qu’est-ce qui fait que vous ne vous entendez pas avec Jacky Bonnevay, votre coach au Wac ?

(Gêné) Je ne peux pas rentrer dans certains détails délicats, mais j’avoue qu’il y a toujours eu de petits problèmes entre nous.


Est-ce qu’il souhaitait vraiment votre venue au Wac de Casablanca ?

Je le pense bien parce qu’il m’avait toujours titularisé et le jour de l’incident a coïncidé avec ma première présence sur le banc des remplaçants. Mais dés ma signature, il m’avait dit qu’il tenait à moi et qu’il comptait beaucoup m’utiliser. Il voulait même que j’enchaîne avec la Coupe Arabe alors que je sortais d’une longue saison avec la JA avec notamment la Ligue des Champions africaine. Je voulais un peu couper avant de reprendre avec le Wac. Mais le coach n’a rien voulu comprendre et il m’a même reproché de vouloir cacher des blessures et de n’être pas motivé pour le championnat. Nos premiers tiraillements remontent à cette période. Et son gros problème est qu’il a tendance à penser à la place des joueurs.


Qu’en est-il donc de votre adaptation dans le championnat marocain ?

Je pense que le championnat marocain est assez difficile. Mais c’est d’un bon niveau, seulement il y a beaucoup de pression par rapport au public qui réclame des buts. Ici, il y a également beaucoup plus de ferveur que par rapport au Sénégal. Le public demande beaucoup à son équipe. Et un joueur étranger qui débarque est très attendu et ils veulent toujours qu’il démontre des choses et en fasse toujours plus. Le Marocain ne retient d’ailleurs que les buts. Un attaquant qui fait de bons matches et qui ne marque pas ne les intéresse pas. Personnellement, je me suis bien adapté et je suis parvenu à faire de bons matches. Maintenant, je ne peux pas être totalement satisfait, car je n’ai marqué jusqu’à présent que 2 buts en championnat. Sans les problèmes avec le coach, je pouvais mieux faire. Seulement, il me faut du temps et gérer les à-cotés avec l’entraîneur. Il faut dire aussi que j’ai pris le train en marche, parce que quand je suis arrivé, l’équipe avait déjà effectué son stage d’avant-saison.


Au moment de quitter la JA, on vous annonçait plutôt du côté du SuperSports United d’Afrique du Sud et finalement vous signez au Maroc. Comment s’est passé le transfert ?

J’ai eu vent des rumeurs qui m’envoyaient encore en Afrique du Sud même après ma signature au Wac de Casablanca. Mais je n’ai pas signé au SuperSports principalement pour des raisons d’ordre financier. Pourtant, c’est le coach en place qui me voulait et il me disait toujours d’aller là ou l’entraîneur me souhaitait le plus. Et c’est un discours qui m’avait beaucoup touché. Mais le SuperSports est aussi un club omnisports où les décisions ne sont pas faciles à prendre et il me fallait faire rapidement un choix parce que nombre de clubs me voulaient aussi. On avait une semaine pour prendre une décision et finalement, on ne s’est pas entendu sur l’aspect financier. Et j’ai décidé alors de répondre favorablement aux dirigeants marocains.


Certains de vos anciens coéquipiers à la JA (Massèye Gaye, Pape Niokhor Fall…) ont signé en Albanie. N’est-ce pas plus tentant ?

L’Albanie est un pays que je connais bien pour y avoir fait des tests concluants par le passé, mais là-bas aussi l’aspect financier avait fait capoter les choses. Et quand mes anciens coéquipiers de la JA ont voulu signer là-bas, je leur ai donné des conseils. Je crois que chacun n’a que ce qu’il mérite. Et je ne regrette pas aujourd’hui d’être au Maroc alors qu’eux sont en Albanie.


Pensez-vous jusque-là avoir fait la carrière que vous méritez ?

Moi je crois surtout que chacun a son destin tout tracé. Jusque-là, je ne me dis pas que Makhète aurait dû aller là ou là. Je me contente de ce que j’ai, sans regrets. Et je remets tout entre les mains de Dieu.


Qu’est-ce qui vous a manqué peut-être pour faire le grand saut vers l’Europe ?

(Un peu agacé) Vraiment, je ne sais pas. Comme je l’ai dit, je fais mon bonhomme de chemin et jusqu’à présent, je suis assez content de mon parcours. Je ne sais même pas ce qui m’a manqué pour m’imposer en Europe. Je ne le vois pas sous cet angle, j’essaie juste de vivre les choses comme elles viennent.


A 29 ans, ne pensez-vous pas qu’il est temps de réaliser un gros transfert pour l’après-football ?

(Rires) L’argent n’a jamais vraiment été mon moteur. Je pense que tout est une question de chances. Je préfère surtout m’attarder sur la santé qui détermine la carrière d’un joueur. Mais je ne crache pas non plus sur l’argent, car je sais que c’est important à notre époque et quoi qu’on dise, on fait ce sport pour assurer quelques arrières. Et si je suis venu au Maroc, c’est un peu pour ça. J’ai aussi une famille à nourrir et je ne peux pas l’occulter. Ce que je gagne au Maroc n’a pas trop de différence par rapport à ce que je gagnais à la JA. Mais si je peux avoir plus, je ne me gênerais pas.


A l’image d’un Ciré Dia (Jaraaf), serait-il possible que Makhète revienne dans le championnat local ?

Je pense que, par rapport à ça, il faut relativiser. Un garçon comme Ciré Dia est un joueur très talentueux et pourtant aujourd’hui il revient à la case départ. Personne n’est à l’abri de ça. Moi de mon côté, je ferai tout pour me maintenir à un bon niveau. Maintenant le Sénégal reste notre cher pays et si je devais revenir dans notre championnat, je le ferais naturellement. Mais pour le moment, je n’y pense pas.

Elimane KANE
Source : LeQuotidien.sn

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