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En attendant la “CNN à la française”
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1 août 2005 21:17
En attendant la “CNN à la française”
Un renouveau du paysage audiovisuel maghrébin ?
Le nouveau patron de France Télévisions, Patrick de Carolis, a exprimé sa volonté de revoir à la hausse la part du service public dans le dossier toujours enlisé d’une chaîne française d’information en continu capable de rivaliser avec CNN ou la BBC.
Pendant ce temps, une étude vient renforcer l’idée du déclin de l’audiovisuel français au Maghreb, en concurrence avec des chaînes nationales qui se renouvellent et avec les chaînes satellitaires arabes. Pour les téléspectateurs, il y a désormais une diversité de choix qui leur permet de répondre à des attentes contradictoires.


Renouveau du paysage audiovisuel maghrébin
Quand vous ouvrez un quotidien algérien à la rubrique télévision, vous pouvez découvrir dans le détail les programmes des grandes chaînes françaises comme TF1, M6 ou France 2, accompagnés bien souvent de critiques et d’illustrations promotionnelles. Le journal Liberté mentionne même les programmes de BRTV (Berbères TV) émettant depuis la région parisienne. A côté, les programmes de l’ENTV (Entreprise nationale de télévision), la chaîne nationale, passent presque inaperçus. Pourtant, à en croire une enquête récemment divulguée par le bureau d’étude spécialisé Sigma Conseil, les chaînes nationales regagnent en crédibilité dans les trois pays du Maghreb (Tunisie, Algérie et Maroc), et deviennent les plus regardées par les 52 millions de téléspectateurs de la région, suivies par les chaînes satellitaires arabes, au premier rang desquelles la fameuse Al Jazira. Une évolution notable marque le paysage audiovisuel maghrébin. Ainsi, plusieurs chaînes nouvelles à vocation éducative ont fait leur apparition au Maroc, parmi lesquelles Al Maghribya. La retransmission en direct des auditions publiques de l’instance Equité et Réconciliation, qui reçoit depuis le 21 décembre 2004 les victimes des violations passées des droits de l’homme, a aussi laissé entrevoir une ouverture démocratique des télévisions locales.
Le déclin de l’audiovisuel français à l’étranger, un thème récurrent
Les chaînes françaises, elles, perdraient beaucoup de terrain au Maghreb, passant de 21 millions de téléspectateurs en 2004 à environ 16 millions en 2005, leur taux de pénétration quotidien étant estimé à 25 %, contre 29 % il y a un an. Le président de Sigma Conseil, Hassen Zargouni, en conclut que “la langue de Voltaire n’est pas en forme dans le Maghreb”, remarquant une “baisse notoire de la francophonie dans les milieux populaires”. Cependant, la chaîne francophone TV 5 resterait la deuxième la plus regardée au Maroc, et 47 % des Algériens privilégient encore les chaînes françaises, toujours selon Sigma Conseil.
La crainte du déclin de l’audiovisuel français à l’étranger est un thème récurrent sur lequel on ne cesse d’alerter depuis longtemps : les rapports Péricard (1987) et Decaux (1989) ont ainsi pressé en leur temps les pouvoirs publics à mettre en œuvre les moyens financiers nécessaires pour éviter l’extinction de “la voix de la France” dans la région (cf. Belkacem Mostefaoui, La Télévision française au Maghreb, structures, stratégies et enjeux, éd. L’Harmattan, 1995).
Depuis, plusieurs initiatives ont été prises, comme le lancement de la banque d’images Canal France International (CFI) ou la création de la chaîne à péage Canal Horizons (liée à Canal Plus) à partir de la Tunisie. Mais cette dernière n’a pas résisté au piratage de la chaîne cryptée, qui aurait concerné 650 000 foyers algériens en 1998. En octobre 2001, la chaîne est officiellement arrêtée pour “raisons commerciales”. Fin 2003, CFI met à son tour fin à sa diffusion, pour mieux “rationaliser l’audiovisuel à l’étranger”. Son président, le regretté Serge Adda, qui était aussi à la tête de Canal Horizons, se rabat alors sur TV 5, tout de même considéré comme le troisième réseau mondial.
La chaîne française d’information internationale en gestation
Entretemps, la guerre en Irak est passée par là, et le président Jacques Chirac a plaidé le 7 mars 2002 pour “une grande chaîne d’information continue internationale en français, à l’égale de la BBC ou de CNN pour les anglophones”. Le montage du projet de la CII ou CFII - ne va pas pour autant de soi : l’association à parité égale entre France Télévisions et TF1 pour piloter la chaîne provoque des réticences multiples. Le dossier s’enlise, et des contre-projets ressurgissent. Patrick de Carolis, le nouveau président élu de France Télévisions qui prendra ses fonctions le 22 août 2005, plaide pour le primat du service public dans ce dossier. Et Jean-Jacques Aillagon, l’ex-ministre de la Culture aujourd’hui à la tête de TV 5, réclame la participation de sa chaîne, citée en référence par l’ex-otage en Irak Florence Aubenas, qui a affirmé avoir pris connaissance de la mobilisation en sa faveur de manière fortuite à travers ce canal lors de sa détention. L’intersyndicale des salariés de TV 5 entend elle se démarquer de toute tentation “néo-coloniale” : à l’idée d’une “voix de la France”, elle préfère se présenter comme “une voix de la diversité francophone” de part le monde.
Une diversité de choix pour les téléspectateurs maghrébins
Au Maghreb, si la francophonie paraît en recul, il serait réducteur d’en tenir pour seul responsable l’essor des chaînes satellitaires arabes, à qui certains imputent une “orientalisation inquiétante de la société”. Certes, de nombreux téléspectateurs expriment à travers leur adhésion à ces chaînes “une revanche sur l’agressivité de la narration occidentale” à propos du monde arabe ou musulman, notamment depuis le 11 septembre 2001, comme le dit le politologue Olfa Lamloum, auteur d’Al Jazira, miroir rebelle et ambigu du monde arabe (La Découverte, 2005). Et la surmédiatisation d’experts français polémiques sur l’Islam suscite un réel agacement. Certains téléspectateurs maghrébins, y compris en France, se tournent alors vers les prêches télévisés du cheikh Youssef Al Quardawi sur Al Jazira ou encore vers les talk-show du prédicateur vedette Amr Khaled sur d’autres supports. Mais beaucoup continuent à suivre des émissions sur les chaînes françaises, manifestant par exemple un grand intérêt pour l’actualité... franco-française ! En zappant d’un type de chaîne à l’autre, ils peuvent désormais se jouer de l’information officielle, contrôlée ou partisane, dans ses variantes nationales, occidentales ou autres, pour se faire leur propre opinion et répondre à des attentes contradictoires. Cette liberté nouvelle, en retour, oblige les différentes télévisions à se remettre sans cesse en cause pour améliorer leur offre de programmes dans un contexte de concurrence accrue.
Mogniss H. Abdallah
Agence IM'média
[01/08/2005]
 
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